Décès de Feridun Yazar

mis à jour le Lundi 13 juin 2016 à 17h47

Nous venons d’apprendre avec une profonde tristesse la mort à Ankara de Feridun Yazar survenue le 12 juin des suites d’une longue maladie.

Nous venons d’apprendre avec une profonde tristesse la mort à Ankara de Feridun Yazar survenue le 12 juin des suites d’une longue maladie.

Né en 1944, dans un village d’Urfa au Kurdistan de Turquie, il avait étudié le Droit à l’Université d’Istanbul. Pendant ses années d’étudiant, il a été une des figures du mouvement estudiantin kurde (DDKO) de l’époque. Ce qui lui valut d’être arrêté et incarcéré à la prison de Diyarbakir après le coup d’Etat militaire du 12 mars 1971. Libéré, devenu avocat, il a été élu en 1977 triomphalement maire de cette ville d’Urfa, chargée d’histoire qui fut, entre autres, sous son nom antique d’Edesse, avec Antioche, l’un des tout premiers foyers du christianisme puis capitale d'un royaume chrétien lors des croisades. Lors du coup d’Etat militaire du 12 septembre 1980, il fut, en même temps que son collègue de Diyarbakir Mehdi Zana, destitué et emprisonné par la junte militaire turque.

Comme beaucoup de patriotes kurdes de sa génération, il subit dans cette terrible prison de Diyarbakir la torture, les humiliations et les pratiques barbares du régime turc pendant deux ans.

En 1988, il fut élu président de la Fédération d’Urfa du nouveau parti turc social-démocrate SHP. Mais lorsque ce parti exclut de ses rangs 7 députés kurdes pour avoir assisté à la Conférence internationale « Les Kurdes, identité culturelle et droits de l’Homme », organisée à Paris les 17-18 octobre 1989 par l’Institut kurde de Paris et la Fondation France–Libertés, il démissionna de ce parti en même temps qu’une douzaine de présidents des fédérations des villes kurdes ainsi que près de 20.000 adhérents kurdes du SHP. Ensemble ils fondèrent le HEP (Parti du Travail du Peuple) dont il fut élu président. L’interdiction de ce parti pour « activités séparatistes kurdes » eut pour conséquence la création d’un nouveau parti, le DEP (Parti de la Démocratie).

Figure connue et respectée tant dans le monde politique kurde que dans l’opinion turque, Feridun Yazar joua un rôle de premier plan lors de l’affaire de l’arrestation, en mars 1994, des députés kurdes dont Leyla Zana. Pendant des années, c’est lui qui recevait à Ankara les nombreuses délégations étrangères venues assister au procès des députés ou souhaitant leur rendre visite.

Ces dernières années, tout en exerçant son métier d’avocat, il continuait de jouer un rôle de sage et de médiateur dans la vie politique kurde de Turquie.

Feridun Yazar qui, depuis 25 ans, a participé à de nombreuses activités de l'Institut kurde (colloques, conférences, actions en faveur d’un règlement pacifique de la question kurde…) était très connu et apprécié dans la communauté kurde de France où il comptait beaucoup d’amis.

La disparition de cette voix modérée et démocrate est une grande perte pour le peuple kurde.

Son corps a été rapatrié à Urfa pour être enterré dans la terre du Kurdistan qu’il aimait tant.