Nous apprenons avec une profonde tristesse le décès du professeur Kinyaz Mîrzoyev, grande figure des Kurdes d'Asie Centrale et partenaire de longue date de l'Institut kurde, survenu le 8 août à Alma Ata, au Kazakhstan, des suites de Covid 19 à l'âge de 74 ans.
Né en 1947 dans le village de Zengîbasar en Arménie soviétique, il a fait ses études à Erevan avant d'obtenir un doctorat d'Etat en philologie à l'Université de Leningrad / Saint Pétersbourg. Spécialiste notamment des relations littéraires kurdo-azéries, il était jusqu'en 1990 directeur du Département des langues du Proche-Orient à l'Université d'Erevan.
Dans les années 1990, lors du conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, à la suite des menaces et des exactions des extrémistes arméniens cherchant à transformer le conflit territorial en une confrontation religieuse entre chrétiens et musulmans, qu'ils soient azéris ou non, pratiquement tous les Kurdes de confession musulmane d'Arménie ont dû partir, les uns vers la Russie, notamment Krasnadar les autres vers le Kazakhstan où existait déjà une communauté kurde bien intégrée. Très attaché à l'Arménie où il comptait de nombreux amis parmi les universitaires et intellectuels, Kinyaz Mîrzoev a dû se résoudre à partir à son tour après l'assassinat du professeur de médecine Saîdê Îbo, l'un de ses meilleurs amis et figure éminente de la communauté kurde d'Arménie. Seuls les Kurdes de confession yézidie ont pu rester sur place.
Au Kazakhstan, grâce aux réseaux de solidarité mis en place par le leader de la communauté kurde locale, l'académicien Nadir Nadirov, professeur de pétro-chimie et proche du président kazakh Nazarbaev, les réfugiés kurdes d'Arménie ont été bien accueillis et rapidement intégrés. Kinyaz Mirzoev a été nommé vice-président de l'Université d'Alma Ata. Très apprécié des autorités kazakhes, il était devenu l'interprète officiel du turc du président Nazarbaev, qui auparavant avait besoin d'un interprète russe-turc pour communiquer avec ses homologues turcs successifs car bien qu'appartenant à la même famille des langues turciques, Turcs et Kazakhs ne peuvent pas se comprendre davantage que Français et Roumains.
A côté de sa carrière universitaire brillante, Kinyaz Mîrzoev était également très engagé dans des activités en faveur de la défense de la langue et de la culture kurdes. Sous son égide des cours de langue kurde pour enfants ont été organisés à Alma Ata et des périodiques en kurde publiés. Il a joué un rôle de premier plan dans l'organisation d'une Fédération de Kurdes de l'ex-URSS dont il est devenu président.
Partenaire de l'Institut kurde depuis les années 1990, il est venu à plusieurs reprises à Paris. Il a aussi accueilli à Alma Ata en juin 2019, le 64ème séminaire linguistique Kurmancî de l'Institut kurde. Patriote, il suivait de près la vie politique du Kurdistan où il s'est rendu en délégation à l'occasion du référendum d'auto-détermination de septembre 2017 ainsi que lors de la cérémonie de prise de fonctions du président Nechirvan Barzani.
Son décès prématuré est douloureusement ressenti par les Kurdes de l'ex-URSS ainsi que parmi ses nombreux amis au Kurdistan et dans la diaspora kurde.