Jeudi 11 août 2022 à 13h57
Londres, 11 août 2022 (AFP) — Un membre présumé des "Beatles" du groupe jihadiste Etat islamique (EI), cellule spécialisée dans la capture, la torture et l'exécution d'otages occidentaux, a été inculpé et présenté à la justice jeudi à Londres après son expulsion de Turquie.
Interpellé à l'aéroport londonien de Luton mercredi soir, Aine Leslie Davis, Britannique de 38 ans, est poursuivi pour des infractions relatives au financement d'activités terroristes remontant à 2014 et possession d'arme à feu remontant à 2013-2014 "à des fins liées au terrorisme", selon le parquet britannique.
A l'issue d'une brève audience devant la Westminster Magistrates Court à Londres, il a été maintenu en détention, le juge soulignant sa "propension à voyager avec de faux documents".
Portant une courte barbe et un T-shirt gris, il n'a pris la parole que pour décliner son identité.
La prochaine audience préliminaire est prévue le 2 septembre, devant la cour de l'Old Bailey.
Aine Leslie Davis était sous le coup d'un mandat d'arrêt émis en janvier 2015 par la justice britannique.
Interpellé en Turquie en novembre 2015, il y avait été détenu après avoir été condamné à sept ans et demi de prison pour des infractions terroristes par un tribunal local, notamment pour participation à une organisation interdite.
Il a été libéré en juillet, avant d'être placé dans un centre de rétention jusqu'à son expulsion.
Selon l'accusation, après des voyages en Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis, il s'est rendu en Syrie en 2013 via la Turquie. Dans des photographies qu'il envoyait à son épouse, il apparaît clair qu'il se trouvait avec "des combattants" en Syrie, a souligné jeudi le procureur Kashif Malik, citant par exemple un cliché montrant 40 hommes armés.
Les quatre membres de ces "Beatles", où Davis serait "Paul", ainsi surnommés en raison de leur accent britannique, sont accusés d'avoir enlevé au moins 27 journalistes et travailleurs humanitaires originaires des États-Unis, du Royaume-Uni, d'Europe, de la Nouvelle-Zélande, de la Russie et du Japon.
Ils sont aussi soupçonnés d'avoir torturé et tué, notamment par décapitation, les journalistes américains James Foley et Steven Sotloff, ainsi que des travailleurs humanitaires comme Peter Kassig. L'EI avait diffusé des vidéos de propagande montrant leurs exécutions sur les réseaux sociaux.
- "Réflexe de survie" -
Le plus connu du groupe, le Britannique Mohamed Emwazi, alias "Jihadi John", a été tué par un drone américain en Syrie en 2015. Il apparaissait dans de multiples vidéos d'égorgement.
Les deux autres "Beatles", Alexanda Kotey (38 ans, "Ringo") et El Shafee Elsheikh (34 ans, "George"), anciens ressortissants britanniques, ont été arrêtés en janvier 2018 par une milice kurde en Syrie et remis aux forces américaines en Irak avant d'être envoyés au Royaume-Uni.
Ils ont finalement été extradés en 2020 aux Etats-Unis, en Virginie, pour des accusations de prise d'otages, de complot visant à tuer des citoyens américains et de soutien à une organisation terroriste étrangère.
Alexanda Kotey a plaidé coupable pour son implication dans ces meurtres en septembre et été condamné à la prison à perpétuité en avril. El Shafee Elsheikh a été reconnu coupable de tous les chefs d'accusation en avril, et connaîtra sa peine la semaine prochaine.
En 2014, la femme d'Aine Leslie Davis, Amal El-Wahabi, était devenue la première personne au Royaume-Uni à être condamnée pour avoir financé des jihadistes de l'EI en tentant d'envoyer 20.000 euros à son mari en Syrie. Lors de son procès, a l'issue duquel elle été emprisonnée pendant 28 mois, son époux avait été dépeint comme étant un trafiquant de drogue avant son départ pour la Syrie.
A leur apogée, les "Beatles" avaient acquis une solide réputation de cruauté synonyme de prestige dans les rangs de l'EI.
"Ils se considéraient comme les forces spéciales du califat", avait expliqué à l'AFP fin 2020 l'ex-otage français Nicolas Hénin, décrivant "une très grande arrogance, un niveau de conviction et de mépris pour les faits et un détachement par rapport à la violence qui étaient assez stupéfiants".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.