Vendredi 30 septembre 2022 à 16h12
Stockholm, 30 sept 2022 (AFP) — Dans un important geste de concession à la Turquie pour obtenir un feu vert d'Ankara à son entrée à l'Otan, la Suède a annoncé vendredi avoir réautorisé les exportations de matériel militaire vers son futur allié.
Stockholm, en pleine période de transition gouvernementale entre la gauche sortante et la droite victorieuse aux élections, a laissé à l'autorité chargée des exportations d'armement le soin d'officialiser la nouvelle.
Confrontée depuis plusieurs mois à une menace de veto turc à son entrée historique dans l'alliance militaire occidentale, la Suède avait déjà suggéré qu'elle pourrait changer de position sur ses exportations d'armes en faveur d'un nouvel allié.
La candidature suédoise à l'Otan, annoncée avec la Finlande voisine en mai, conséquence directe de l'invasion russe de l'Ukraine, change la donne, selon Stockholm.
Elle "renforce considérablement les motifs de politique de défense et de sécurité pour autoriser l'exportation d'équipements militaires vers d'autres États membres, dont la Turquie", a justifié l'Inspection pour les produits stratégiques (ISP) dans un communiqué.
La levée de ces restrictions était une des conditions fixées par Ankara, dont le Parlement doit encore accorder une indispensable ratification aux candidatures suédoises et finlandaises.
La Suède avait bloqué des exportations vers la Turquie en 2019 à la suite d'une offensive turque dans le nord de la Syrie, et, depuis, aucune exportation n'avait eu lieu.
L'ISP précise avoir autorisé au cours du troisième trimestre des exportations à caractère militaire vers la Turquie, concernant "du matériel électronique", "des logiciels" et du "support technique". Selon des sources diplomatiques, cela concerne en particulier le secteur de l'aviation.
A ce jour, 28 Etats membres - sur trente - de l'alliance dominée par les Etats-Unis ont ratifié l'adhésion de la Suède et de la Finlande.
Seules la Hongrie et la Turquie doivent encore donner leur accord final au Parlement.
Le Parlement truc doit reprendre ses travaux samedi après la pause estivale mais cette session sera placée sous l'échéance des élections présidentielles et législatives prévues en juin 2023.
- Délégation suédoise -
Ce qui peut l'inciter à la prudence. Ankara n'avait d'ailleurs pas encore réagi, vendredi après-midi, à l'annonce suédoise.
"Nous verrons comment va réagir la Turquie", souligne Paul Levin, spécialiste du pays à l'Université de Stockholm. "Mais c'est un grand changement dans la ligne suédoise".
Lors du sommet de l'Otan à Madrid fin juin, la Suède, la Finlande et la Turquie avaient signé un mémorandum d'accord sur le soutien d'Ankara à l'adhésion.
Mais le président turc Recep Tayyip Erdogan avait immédiatement menacé de bloquer à nouveau si Ankara estimait ses conditions non remplies, notamment sur des extraditions de militants vers la Turquie.
Le texte signé en juin confirmait notamment que Stockholm et Helsinki considèrent le Parti des travailleurs kurdes (PKK) comme une organisation terroriste. Les deux capitales s'y engageaient aussi à ne pas soutenir divers groupes honnis par Ankara, dont le mouvement armé kurde YPG en Syrie.
Depuis la mi-avril la Turquie conduit des opérations contre le PKK et ses alliés dans le nord de l'Irak et menace de lancer, simultanément, une vaste offensive dans le nord de la Syrie.
Une délégation suédoise doit se rendre en Turquie mercredi et jeudi pour la suite des négociations. Une réunion tripartite avait déjà eu lieu fin août en Finlande.
Un des points les plus difficiles concerne des dizaines d'extraditions d'opposants à Ankara - principalement des militants kurdes ou du mouvement guléniste.
M. Erdogan affirme avoir reçu une "promesse" de la Suède en la matière. Stockholm et Helsinki soulignent que le processus reste soumis à des décisions de justice indépendantes de l'exécutif.
Début septembre, la Finlande avait écarté la demande de la Turquie de réévaluer six demandes d'extradition.
La Suède avait autorisé en août la première extradition d'un citoyen turc depuis l'accord de Madrid, mais le dossier concernait une fraude à la carte bancaire.
Selon la ministre suédoise des Affaires étrangères Ann Linde, qui assure la transition avant la formation d'un gouvernement de droite s'appuyant sur l'extrême-droite, les discussions avec la Turquie "suivent leur cours", a-t-elle dit mardi.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.