Lundi 17 octobre 2022 à 18h12
Paris, 17 oct 2022 (AFP) — Au moins huit détenus sont morts dans un incendie à la prison d'Evine à Téhéran, ont annoncé lundi les autorités, deux jours après les incidents qui ont encore avivé les tensions en Iran, secoué par des manifestations depuis la mort de Mahsa Amini il y a un mois.
Quatre détenus blessés "sont décédés à l'hôpital, portant le bilan à huit morts", tous des condamnés pour vol, selon Mizan Online, le site de l'Autorité judiciaire iranienne.
Les autorités ont accusé des "voyous" d'avoir "mis le feu samedi soir à un entrepôt de vêtements" à la prison et fait état de heurts entre prisonniers puis entre détenus et gardiens intervenus pour faire cesser les violences.
"Ce qui s'est passé à la prison d'Evine était un crime commis par quelques éléments (liés à) l'ennemi", a affirmé le chef de l'Autorité judiciaire Gholamhossein Mohseni Ejei, sans autre précision.
Les dirigeants iraniens accusent les Occidentaux, notamment les Etats-Unis, l'ennemi juré de l'Iran, de fomenter les "émeutes", en allusion aux manifestations consécutives à la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, arrêtée trois jours plus tôt par la police des moeurs à Téhéran.
L'agence officielle iranienne Irna a affirmé que les troubles à Evine n'avaient "rien à voir" avec les manifestations. Celles-ci se poursuivent depuis un mois malgré la répression qui a fait au moins 122 morts dont des enfants, selon un dernier bilan de l'Iran Human Rights (IHR) basée à Oslo.
Après les Etats-Unis, le Canada et le Royaume-Uni, l'Union européenne a imposé lundi des sanctions à l'Iran, ciblant la police des moeurs et onze responsables impliqués dans la répression.
Par avance, l'Iran avait averti qu'il réagirait "rapidement" aux mesures de l'UE, qualifiées d'"acte irrationnel".
Lundi, le président Ebrahim Raïssi a de nouveau accusé les Etats-Unis d'être derrière la "sédition" dans son pays, affirmant que l'Iran ne "cèderait pas face aux sanctions".
- "Mauvais traitements" -
Des centaines de personnes arrêtées lors des protestations contre la mort de Mahsa Amini auraient été envoyées à la prison d'Evine. Parmi elles, des manifestants mais aussi des journalistes, des intellectuels des militants, des artistes, des avocats.
Des ONG ont mis en doute la version des autorités sur les troubles au centre de détention, connu pour ses mauvais traitements infligés aux détenus politiques et où sont emprisonnés des étrangers.
"Vu combien le mensonge des responsables officiels est devenu normal, nous n'acceptons pas les explications officielles", a dit l'IHR.
Selon cette ONG, "le nombre de personnes tuées à Evine est probablement plus élevé que le chiffre officiel".
Sur des vidéos postées sur les réseaux sociaux, des coups de feu et des explosions ont été entendus le soir de l'incendie aux abords de la prison.
Après le sinistre, des ONG ainsi que les Etats-Unis et la France se sont dits inquiets pour les prisonniers, mais plusieurs détenus étrangers ont pu contacter leurs familles.
Parmi les étrangers à Evine figurent l'universitaire franco-iranienne Fariba Adelkhah et l'Américain Siamak Namazi, qui sont en sécurité. De même que les Autrichiens Massoud Mossaheb et Kamran Ghaderi. Une globe-trotteuse italienne détenue à Evine se porte bien elle aussi.
Le militant du droit d'expression iranien Hossein Ronaghi a appelé sa mère depuis la prison, où il est détenu depuis septembre, et "pouvait à peine parler", a écrit son frère Hassan sur Twitter. Sa famille affirme qu'il a subi de mauvais traitements.
- "Nous sommes toutes Mahsa" -
"Nous sommes consternés par les conditions auxquelles le militant Hossein Ronaghi est soumis et il doit être libéré. Il a subi des tortures, a observé une grève de la faim et il y a eu l'incendie", a déclaré l'ONG pour la défense de la liberté d'expression Article 19.
Selon un avocat iranien, Saeid Dehghan, 19 avocats qui voulaient défendre les personnes arrêtées durant les manifestations ont eux aussi été interpellés.
La vague de contestation en Iran est la plus importante depuis celle de 2019 contre la hausse du prix de l'essence dans ce pays.
La mort de Mahsa Amini, à qui la police reprochait d'avoir enfreint le strict code vestimentaire imposant le port du voile aux femmes, a été l'étincelle du mouvement.
Depuis le 16 septembre, les Iraniennes, beaucoup tête nue, ont été à l'avant-garde du mouvement. Dimanche encore, des femmes ont manifesté au Collège technique et professionnel Shariati de Téhéran, scandant "Nous sommes toutes Mahsa", selon l'IHR.
Lundi, plus de 40 organisations de défense des droits humains ont exprimé "leurs vives préoccupations" face à "la machine de répression déployée par les autorités iraniennes" et ont appelé l'ONU à enquêter d'urgence.
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Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.