Mardi 6 decembre 2022 à 17h46
Paris, 6 déc 2022 (AFP) — La justice iranienne a condamné à mort cinq personnes pour avoir tué un paramilitaire, un verdict dénoncé mardi par des défenseurs des droits humains comme un moyen de "répandre la peur" et mettre fin aux manifestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini.
Onze autres personnes, dont trois mineurs, ont été condamnées à de "longues peines d'emprisonnement", a annoncé lors d'une conférence de presse le porte-parole de l'Autorité judiciaire, Massoud Setayeshi.
Les cinq condamnés à la pendaison ont été reconnus coupables lundi de la mort de Ruhollah Ajamian, 27 ans, tué le 3 novembre près du cimetière de Karaj, à l'ouest de Téhéran, lors d'un rassemblement qui marquait le 40e jour de deuil suivant la mort d'une manifestante, Hadis Najafi.
Selon l'accusation, cet agent de sécurité, qui n'était pas armé, a été attaqué, déshabillé, poignardé, frappé avant que son corps nu ne soit traîné dans la rue. Il était membre de la milice Bassidj, liée aux Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique.
Hadis Najafi avait été tuée le 21 septembre, cinq jours après le début des manifestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans arrêtée par la police des moeurs à Téhéran pour ne pas avoir respecté le code vestimentaire imposé aux femmes en Iran.
Bientôt trois mois mois plus tard, la contestation ne faiblit pas malgré une répression sanglante. Les manifestants, qui dénonçaient à l'origine l'obligation pour les femmes de porter le voile en public, réclament désormais la fin du régime.
Le week-end dernier, le procureur général d'Iran, Mohammad Jafar Montazeri, a annoncé l'abolition de la police des moeurs, créée en 2006 et chargée notamment de faire appliquer le port du voile.
Cette annonce, interprétée comme un geste envers les manifestants mais aussi un signe d'inquiétude du régime, n'a pas été confirmée officiellement.
- "Liberté" -
Les cinq condamnés à mort étaient accusés notamment de "corruption sur terre", l'un des chefs d'accusation les plus graves du code pénal iranien.
Ces jugements sont susceptibles d'appel devant la Cour suprême, mais il est rare que cette instance revienne sur une condamnation à mort décidée par un tribunal révolutionnaire.
Au total, onze personnes ont été condamnées à mort dans le cadre du mouvement de contestation.
Ces nouvelles peines capitales ont été dénoncées par le groupe de défense des droits humains Iran Human Rights (IHR), basé en Norvège.
"Ces personnes sont condamnées après des procédures injustes et en l'absence de véritable procès", a déclaré à l'AFP le directeur d'IHR, Mahmood Amiry-Moghaddam. "Le but est de répandre la peur et de mettre fin aux manifestations".
Mardi, des images mises en ligne montraient des magasins fermés dans différentes villes, au deuxième jour d'une grève qui doit s'achever mercredi, coïncidant avec la traditionnelle journée de l'Etudiant.
"Liberté, liberté, liberté", scandaient des dizaines d'étudiants de l'université Allameh Tabatabai de Téhéran, sur une vidéo publiée par IHR.
La répression du mouvement a déjà fait au moins 448 morts, selon un bilan établi par cette ONG le 29 novembre.
- Arrestation de "saboteurs" -
Les autorités ont arrêté des milliers de personnes et fait état de la mort de quelque 300 personnes.
Selon Amnesty International, l'Iran procède chaque année à plus d'exécutions que tout autre pays, à l'exception de la Chine.
Le 16 novembre, l'ONG avait affirmé, s'appuyant sur des informations officielles, qu'au moins 21 manifestants avaient été inculpés lors de "faux procès" de crimes passibles de pendaison.
Mardi, les Gardiens de la Révolution ont annoncé l'arrestation de douze personnes accusées d'appartenir à un "groupe de saboteurs" ayant des liens avec des pays européens.
"Les membres de ce réseau, sous la conduite d'agents contre-révolutionnaires vivant en Allemagne et aux Pays-Bas, ont tenté de se procurer des armes et avaient l'intention (...) de mener des activités contre la sécurité nationale", ont indiqué les Gardiens de la Révolution de la province de Markazi, dans le centre de l'Iran.
Pour sa part, un député iranien, Hossein Jalali, a proposé de "changer de méthode" par rapport aux femmes qui refuseraient de porter le voile. "On pourrait envisager de (les) menacer par SMS de bloquer leur compte bancaire", a-t-il dit, cité mardi par le quotidien Shargh.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.