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"Silence!": à la recherche de survivants dans les décombres de Diyarbakir


Mardi 7 février 2023 à 19h30

Diyarbakir (Turquie), 7 fév 2023 (AFP) — "Silence s'il vous plaît!". Les sauveteurs dépêchés mardi au milieu des décombres d'un immeuble de Diyarbakir, pulvérisé par le séisme qui a frappé le sud-est de la Turquie la veille intiment aux familles de se taire. "On entend une voix sous les débris", dit l'un d'eux.

Les proches des disparus qui vivaient là avant le tremblement de terre dévastateur se figent.

Puis ils s'animent en murmures et reprennent espoir, à l'idée qu'une victime puisse être sortie vivante, plus de 24 heures après la catastrophe de lundi.

Une longue attente, angoissante, commence.

Le séisme de magnitude 7,8, qui a frappé cette région turque et le nord de la Syrie, a fait plusieurs milliers de morts. Et un nombre incalculable de personnes est encore enseveli sous les décombres des milliers de bâtiments effondrés, pour beaucoup des immeubles d'habitation récemment construits.

"Deux de nos proches sont morts, trois sont piégés ici", assure Remziye Tekin, 60 ans, qui ne veut plus bouger d'un pouce en attente de nouvelles. "Que Dieu nous aide !", implore-t-il.

Un canapé beige, une couverture, quelques pots trahissent la vie qui animait encore dimanche l'immeuble d'appartements de 11 étages, à présent transformé en millefeuille de gravats et de plaques de béton.

-"Tout est devenu poussière"-

Tout près, d'autres bâtiments sont toujours debout, comme épargnés. La police turque prélève des échantillons sur des colonnes de l'immeuble complètement aplati, pour qu'une enquête approfondie puisse être menée.

Il faudra vérifier si les règles de construction ont bien été respectées.

"Ma mère, mon père et ma soeur sont piégés dans cet immeuble", assure aussi, en larmes, Yesim, 28 ans, en exhortant les secouristes à "se dépêcher".

"Ils ne sont pas assez nombreux. L'opération progresse très lentement", déplore-t-elle.

Epuisés physiquement par une nuit sans sommeil, certains sauveteurs sont aussi secoués psychologiquement par ce qu'ils découvrent en déblayant, avec minutie, éboulis et gravats.

Par exemple, sur un autre site, les cadavres d'une mère, d'un père et de leurs deux enfants. Les parents semblaient toujours protéger les petits de leurs corps, ont déclaré des témoins à l'AFP.

Enveloppés dans des couvertures, blottis autour de braseros pour se réchauffer de la pluie glaçante, récitant pour certains le Coran, les survivants sont obnubilés par ceux qu'ils ont laissés derrière eux.

-"Nous allons prier"-

Baver Tanrikut, 30 ans, témoigne de ce qui est arrivé à sa mère et sa soeur. Réveillées en panique quand les secousses ont commencé, elles se sont mises à courir. Il les a entendues le suivre jusqu'à la porte d'entrée de l'immeuble.

"Dès que j'ai mis le pied dehors, j'ai encore couru un peu, je me suis retourné et soudain tout est devenu poussière. L'immeuble s'est effondré. J'ai vu ma soeur enterrée sous les décombres jusqu'à la taille, en sang. Elle criait +maman, maman+. Ma mère, qui pouvait à peine marcher, était piégée à l'intérieur".

Vingt bâtiments ont été endommagés par le séisme à Diyarbakir, ville majoritairement kurde, encore récemment le théâtre de violences meurtrières entre militants kurdes et forces de l'ordre turques. Sept immeubles se sont complètement effondrés, créant d'immenses vides entre deux tours.

Ismail Pendik, responsable local de la municipalité, tente de garder son sang-froid en traitant les plaintes et en consolant des familles, dans une concession automobile transformée en abri temporaire.

La chose la plus importante maintenant, insiste-t-il, c'est un silence complet, pour aider les sauveteurs à faire leur travail.

"Les trois prochains jours vont être critiques. Les équipes de secours travaillent 24 heures sur 24. Nous allons prier, et ne jamais perdre espoir en Allah".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.