Samedi 2 septembre 2023 à 22h08
Kirkouk (Irak), 2 sept 2023 (AFP) — Au moins un civil a été tué et douze autres personnes blessées samedi en Irak lors de manifestations rivales à Kirkouk, ville multiethnique du nord du pays où les autorités ont instauré un couvre-feu après plusieurs jours de tensions.
Le "civil" tué est un Kurde "touché par balle à la poitrine", a déclaré en soirée à l'AFP le directeur des autorités médicales de Kirkouk, Ziad Khalaf, sans être en mesure d'identifier l'auteur du tir.
Les personnes blessées --douze selon un nouveau bilan-- ont été touchées par "des tirs, des jets de pierre ou du verre", a-t-il ajouté, confirmant qu'un membre des forces de l'ordre a été touché.
M. Khalaf avait précédemment indiqué que parmi les blessés figuraient aussi bien des Kurdes que des Arabes. Samedi, des manifestations rivales réunissant, d'un côté, des habitants kurdes et, de l'autre, des protestataires turkmènes et arabes, ont dégénéré en violences, malgré la présence des forces de sécurité.
Déployées pour faire tampon entre les deux camps, les forces de l'ordre ont effectué des tirs de sommation pour contraindre les manifestants kurdes à se disperser. Des véhicules ont été incendiés sur une grande avenue, selon un correspondant de l'AFP.
En soirée le Premier ministre Mohamed Chia al-Soudani a réclamé "la formation d'une commission d'enquête pour élucider les circonstances dans lesquelles un citoyen a été tué". Il s'est engagé dans un communiqué "à faire rendre des comptes à tous ceux qui auront été responsables de manquements et qui s'avèreront coupables de ces évènements".
Depuis près d'une semaine, les tensions couvent à Kirkouk, ville que se disputent historiquement le pouvoir fédéral de Bagdad et les autorités de la région autonome du Kurdistan d'Irak, dans le nord.
Lundi, des protestataires des communautés arabe et turkmène ont instauré un sit-in près du quartier général des forces de sécurité irakiennes dans la province de Kirkouk, après des informations selon lesquelles le Premier ministre irakien avait ordonné aux forces de l'ordre de remettre ce site au Parti démocratique du Kurdistan (PDK), qui l'occupait autrefois.
Samedi, des manifestants kurdes se sont mobilisés à leur tour en fin d'après-midi et ont tenté de rallier le QG, d'après le correspondant de l'AFP.
- "S'abstenir de toute violence" -
Dans un communiqué, M. Soudani a ordonné samedi soir "l'instauration d'un couvre-feu à Kirkouk et l'organisation de vastes opérations sécuritaires pour ratisser les zones secouées par des émeutes".
Il a appelé "tous les partis politiques" à prendre leurs responsabilités pour "éviter les dissensions et maintenir la sécurité, la stabilité et l'ordre dans la province de Kirkouk".
En soirée, le sit-in organisé par les Arabes et les Turkmènes se poursuivait devant le QG, tandis que dans un autre secteur de la ville les manifestants kurdes étaient toujours mobilisés. Le chef de la police locale, le général Kawa Gharib, tentait de les apaiser.
En 2014, le PDK et les peshmergas, forces de sécurité du Kurdistan autonome, avaient brièvement pris le contrôle de la région pétrolière de Kirkouk. Mais ils en avaient été expulsés à l'automne 2017 par les troupes fédérales, en rétorsion à un référendum d'indépendance kurde qui s'était soldé par un échec.
Malgré des relations en dents de scie, le gouvernement de Mohamed Chia al-Soudani a réussi à réchauffer relativement les relations entre Bagdad et Erbil, capitale du Kurdistan autonome.
S'en prenant aux manifestants du camp adverse, le leader historique du Kurdistan autonome, Massoud Barzani, a accusé des "émeutiers" de bloquer avec leur sit-in l'autoroute reliant Kirkouk à Erbil, "créant une situation tendue et dangereuse pour les habitants".
"Il est surprenant que les forces de sécurité (...) n'aient pas réussi ces derniers jours à empêcher le chaos et le comportement illégal de ceux qui coupent la route, tandis qu'aujourd'hui, la violence a été utilisée à l'encontre de la jeunesse kurde et des manifestants", a-t-il déploré.
Son fils Masrour Barzani, Premier ministre du Kurdistan d'Irak, a appelé le chef du gouvernement fédéral de Bagdad à "intervenir immédiatement pour contrôler cette situation inacceptable".
Il a également enjoint "les citoyens kurdes persécutés à Kirkouk à faire preuve de retenue et à s'abstenir de toute violence".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.