Mercredi 27 septembre 2023 à 17h58
Lille, 27 sept 2023 (AFP) — Impossible d'affirmer "avec certitude" qu'elle constitue "une menace grave à l'ordre public": la commission d'expulsion du tribunal de Lille a rendu mercredi un avis défavorable au renvoi vers l'Algérie, à l'initiative du préfet du Nord, d'une Roubaisienne partie mineure en Syrie avec sa famille.
"Il n'est pas établi que la présence" en France de cette jeune femme de 24 ans, rentrée avec ses deux filles en janvier, "constitue une menace grave à l'ordre public", estime la commission dans un avis consulté par l'AFP.
"Le fait qu'elle ait vécu en zone terroriste entourée de jihadistes prônant un islam rigoriste ne permet pas d'en déduire avec certitude qu'elle est acquise à cette cause et qu'elle a pour intention de commettre à son tour des actes terroristes", ajoute-t-elle.
Cet avis consultatif n'engage pas le préfet du Nord, Georges-François Leclerc: il garde le pouvoir d'expulser cette jeune femme, qui se dit victime d'une famille tyrannique et radicalisée.
Son avocate, Me Marie Dosé, s'est félicitée d'une décision "sans appel", qui "devrait convaincre" le préfet de "ne pas poursuivre la procédure d'expulsion envisagée".
"Il est temps de laisser cette jeune femme et ses enfants se reconstruire dans leur pays, la France", a-t-elle ajouté.
- 13 novembre -
Sa cliente appartient à l'"une des plus grandes familles jihadistes françaises", dont 23 membres ont rejoint l'organisation État islamique (EI), avait souligné le préfet lors de l'audience le 13 septembre.
Son oncle, l'un des onze Français condamnés à mort en Irak en 2019, est connu du renseignement pour ses liens avec Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur des attentats du 13 novembre 2015.
Deux de ses tantes ont aussi été condamnées en France pour "financement du terrorisme", pour avoir envoyé 15.000 euros en Syrie. L'une a été expulsée vers l'Algérie.
La jeune femme a été conduite en zone contrôlée par l'EI par sa mère en 2014, à 15 ans, avec sa fratrie, puis mariée à un jihadiste belge, avec qui elle aura deux filles.
De retour en France, après cinq ans sur place puis quatre ans dans le camp de prisonniers jihadistes de Roj, contrôlé par les Kurdes, elle espère rester dans son pays de naissance, mais n'en a pas la nationalité: sa mère a refusé de la lui demander à l'adolescence, faisant d'elle aujourd'hui une ressortissante algérienne en situation irrégulière.
- "Allégations" -
Elle ne s'est pourtant jamais rendue en Algérie, a insisté à l'audience son avocate, soulignant par ailleurs que sa cliente n'a pas été mise en examen et s'est même constituée partie civile contre sa famille.
"Force est de constater qu'à ce jour, depuis son rapatriement en France par les autorités françaises, aucun acte répréhensible ne peut lui être reproché", abonde la commission d'expulsion dans son avis.
Le préfet, qui considère que la jeune femme est dans "un processus de dissimulation", ou "taqiya", a déroulé à l'audience les faits reprochés: un rire quand elle évoque une décapitation lors d'une audition avec la DGSI, une considération sur les chiites qui "sont des malades" lors des mêmes échanges ou encore "un lien pas rompu avec son relationnel jihadiste".
La jeune femme "intéresse la justice allemande", a-t-il aussi révélé, pour s'être "mariée religieusement" en ligne avec un autre jihadiste.
La commission d'expulsion estime cependant que le représentant de l'Etat n'a pas "rapporté la preuve qu'elle entretiendrait des relations avec des personnes qui seraient impliquées dans des actions terroristes", qualifiant ses propos d'"allégations".
Contactée par l'AFP, la préfecture n'a pas fait de commentaire.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.