Mercredi 24 janvier 2024 à 04h02
Ankara, 24 jan 2024 (AFP) — Le président iranien Ebrahim Raïssi se rend mercredi à Ankara, où il s'entretiendra avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan de la guerre à Gaza et des moyens d'empêcher son extension.
Annoncée par l'agence iranienne Irna et confirmée par la présidence turque, la visite, deux fois reportée, intervient sur fond de tensions croissantes au Moyen-Orient.
M. Raïssi a ainsi juré samedi de venger la mort de cinq membres des Gardiens de la Révolution iraniens tués selon lui par Israël dans une frappe en Syrie.
Israël a déjà été accusé d'avoir tué ces dernières semaines un haut responsable iranien en Syrie et le numéro deux du Hamas au Liban, faisant craindre une extension de sa guerre contre le Hamas, tandis que les Gardiens de la Révolution ont mené mi-janvier une attaque au Kurdistan irakien contre "un quartier général" d'où opéraient, selon eux, les services de renseignement extérieur israéliens.
Ajoutant à une situation explosive, les rebelles yéménites Houthis, soutenus par Téhéran, continuent d'attaquer des navires marchands en mer Rouge et dans le golfe d'Aden, malgré les frappes américano-britanniques, disant agir en solidarité avec les Palestiniens.
- "proximité tactique" -
Le président Erdogan a lui aussi pris fait et cause pour le Hamas, qu'Israël a juré d'anéantir en représailles à l'attaque lancée le 7 octobre sur le sol israélien par le mouvement islamiste palestinien, qui a fait environ 1.140 morts, essentiellement des civils.
Plus de 25.000 Palestiniens, pour la plupart des civils également, ont été tués dans les opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza, selon le Hamas.
Le chef de l'Etat turc a qualifié Israël d'"Etat terroriste" et le Hamas -- dont la République islamique d'Iran est un des principaux soutiens internationaux -- de "groupe de libérateurs".
M. Erdogan, qui a rappelé début novembre l'ambassadeur de Turquie à Tel-Aviv, a toutefois jugé impossible de "rompre complètement" avec Israël. Le ministre iranien des Affaires étrangères venait précisément d'appeler, depuis Ankara, au "boycott" des produits israéliens et à rompre tous liens avec Israël.
"Les Iraniens jugent positives les déclarations fermes d'Erdogan, mais ils lui reprochent de ne pas rompre avec Israël", souligne Arif Keskin, chercheur spécialiste des relations turco-iraniennes à Ankara, pour qui la guerre à Gaza a toutefois créé une "proximité tactique" entre Téhéran et Ankara.
"Il est possible que Raïssi et Erdogan annoncent des mesures symboliques concernant la Palestine, mais je pense qu'ils se concentreront sur les manières de contenir le conflit (...) car c'est ce qu'Ankara et Téhéran souhaitent", estime Arash Azizi, maître de conférences en sciences politiques à l'Université américaine de Clemson.
- relations complexes -
Mais les deux voisins entretiennent des relations complexes sur plusieurs dossiers.
La Turquie a notamment appuyé les groupes rebelles en Syrie, contre le président Bachar al-Assad soutenu par Moscou et Téhéran.
Le soutien d'Ankara à l'Azerbaïdjan à propos du territoire disputé du Haut-Karabakh, dont Bakou s'est emparé en septembre lors d'une offensive éclair, a aussi irrité l'Iran, qui s'inquiète que la montée en puissance de Bakou dans le Caucase puisse alimenter des ambitions séparatistes au sein de sa propre minorité ethnique azérie.
L'Iran voit en outre d'un mauvais oeil toute ambition de l'Azerbaïdjan, allié d'Ankara, de se ménager un couloir en territoire arménien vers l'enclave du Nakhitchevan qui longe la frontière nord de l'Iran et pourrait compliquer son propre accès à l'Arménie.
La visite du président Raïssi, qui sera accompagné d'une large délégation, sera aussi l'occasion de renforcer les liens commerciaux avec Ankara, souligne encore Arash Azizi.
Les deux présidents pourraient ainsi discuter de l'ouverture d'un nouveau point de passage entre leurs deux territoires qui permettrait de faciliter le commerce bilatéral.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.