Mercredi 5 juin 2024 à 19h42
Diyarbakir (Turquie), 5 juin 2024 (AFP) — Un maire prokurde d'une ville l'extrême sud-est de la Turquie, a été condamné mercredi à 19 ans et six mois de prison pour "terrorisme", une sentence qualifiée de "coup d'Etat" par son parti.
Mehmet Siddik Akis, élu du parti DEM à Hakkari, a été destitué lundi par les autorités qui ont désigné un maire de substitution, suscitant immédiatement des incidents dans le pays jusqu'au Parlement, à Ankara.
Des échauffourées ont de nouveau éclaté à Hakkari à l'énoncé du verdict selon des images diffusées sur "X".
Le DEM (ex-HDP), troisième force au Parlement, est régulièrement accusé par le gouvernement turc de liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), groupe armé considéré comme terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux, ce qu'il dément.
"La présidence et le pouvoir judiciaire ont désormais déclaré la guerre au peuple tout entier", a commenté Tülay Hatimogullari, coprésidente du parti prokurde de l'édile DEM, qui s'est rendue sur place.
L'AKP, le parti au pouvoir, "mène un coup d'État par jour", a-t-elle ajouté dans un communiqué.
"Que personne ne soit gênée par le verdict à Hakkari. La justice a décidé selon la loi", a de son côté réagi le président turc Recep Tayyip Erdogan.
"Cela ne sert à rien d'attaquer à droite et à gauche avec des pancartes à la main", a-t-il affirmé faisant allusion à la bagarre qui a éclaté mardi soir dans l'enceinte du parlement, opposant les députés du parti au pouvoir AKP à ceux du DEM.
"Si quelqu'un est impliqué dans des activités illégales, on doit faire respecter la loi. Hakkari a été dans ce sens un premier pas", a-t-il ajouté.
Le parti DEM a accusé les forces de l'ordre d'avoir "attaqué" toutes les marches et manifestions qui ont suivi la condamnation pour exiger le retrait du maire de substitution nommé par le gouvernement.
"Des soldats ont été acheminés là où la police était peu présente" a dénoncé Mme Hatimogullari, en affirmant que "même nos coprésidents et députés ont été empêchés de marcher".
Mehmet Siddik Akis est le premier maire prokurde destitué depuis les élections municipales du 31 mars, au cours desquelles le parti DEM (ex-HDP) a obtenu 77 municipalités à travers la Turquie.
"J'ai 53 ans, je me bats depuis toutes ces années et je continuerai à me battre" a-t-il déclaré lors de l'audience, dénonçant "un procès politique".
- Opposition mobilisée -
Le parti a assuré qu'il continuera sa mobilisation en dépit de l'interdiction de manifester décrétée dès lundi pour dix jours par le gouverneur de la province d'Hakkari.
"Abandonnez cette politique du kayyoum", a appelé sa coprésidente, désignant ces administrateurs nommés par l'Etat pour remplacer les maires élus, qualifiant la pratique d'"injuste, illégale et cruelle".
Plusieurs personnes ont été le même jour blessées et interpellées à Hakkari après l'intervention des forces de l'ordre.
Le CHP, principal parti d'opposition, social démocrate, a exprimé son soutien à l'édile destitué et envoyé une délégation à Hakkari.
Mercredi, le gouverneur de la province de Bingöl, dans la région à majorité kurde du pays, a également interdit manifestations et rassemblements publics pendant sept jours.
Une cinquantaine de maires du parti prokurde élus en 2019 ont été remplacés par des "kayyoums".
L'ancien coprésident du HDP, Selahattin Demirtas, incarcéré depuis 2016, a été condamné en mai à 42 ans de prison, notamment pour atteinte à l'unité de l'Etat.
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Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.