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Fin de l'enquête sur l'assassinat de trois militantes kurdes à Paris en 2013


Mardi 19 mai 2015 à 20h29

Paris, 19 mai 2015 (AFP) — Les juges d'instruction ont signifié mardi la fin de leur enquête sur l'assassinat début 2013 en pleine journée à Paris de trois militantes kurdes, une affaire dans laquelle les services secrets turcs, qui démentent toute implication, sont montrés du doigt.

Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez avaient été froidement abattues le 9 janvier 2013, dans les locaux du Centre d'information du Kurdistan (CIK), dans le Xe arrondissement de la capitale.

Un Turc, Omer Güney, 30 ans, avait été rapidement arrêté. Mis en examen pour "assassinats en relation avec une entreprise terroriste", il est aujourd'hui le seul suspect aux yeux de la justice et nie les faits.

Après la notification de la fin de l'enquête, confirmée à l'AFP par une source judiciaire, les parties ont un mois pour demander des actes supplémentaires, avant les réquisitions du parquet puis la décision finale des juges d'instruction avant un éventuel procès.

Contacté, l'avocat de familles de victimes, Antoine Comte, n'a pas fait de commentaire.

Omer Güney a été mis en cause par sa présence sur les lieux du crime, où il avait accompagné Sakine Cansiz, une figure du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considérée comme proche de son chef historique Abdullah Öcalan. Fidan Dogan, tuée d'une balle dans la bouche, était une militante très connue au sein de la classe politique européenne.

Des résidus de poudre avaient aussi été découverts dans une sacoche trouvée dans un véhicule d'Omer Güney et semblable à celle qu'il portait sur des images de vidéosurveillance près du local du CIK.

Le suspect s'était rapproché fin 2011 du milieu associatif kurde. Le PKK avait toutefois démenti qu'Omer Güney fût l'un de ses militants, expliquant qu'il avait fait de l'entrisme dans la mouvance kurde francilienne, gagnant la confiance de ses militants. Pour le CIK, il était issu d'une famille proche de l'extrême droite nationaliste turque. Il avait vécu en Allemagne avant d'arriver en France.

- "Ordre de mission" -

Pour qui aurait-il agi? Au départ, les crimes avaient été reliés à l'hypothèse d'un règlement de comptes interne à la mouvance kurde, sur fond de négociations entre Ankara et le PKK pour mettre fin à la rébellion kurde qui a fait 40.000 morts depuis 1984, ou à un acte de l'extrême droite turque, les "Loups Gris". Autres pistes possibles, un crime crapuleux ou un différend personnel.

Mais au fur et à mesure de l'enquête, les familles des victimes ont été convaincues d'une implication des services de renseignement turcs, le MIT ou une de ses branches, dans le triple homicide. Le MIT avait officiellement démenti tout rôle en janvier 2014 après que plusieurs médias turcs eurent publié l'enregistrement sonore d'une conversation entre un homme présenté comme Omer Güney et deux agents du MIT, dans lequel sont évoquées des cibles potentielles de la guérilla kurde.

Omer Güney avait réfuté être l'un des hommes parlant sur la bande. Mais des personnes le connaissant, interrogées par l'AFP, se sont dites convaincues qu'il s'agissait bien de lui.

Les proches des victimes avaient également demandé, en vain, à la justice des mandats d'arrêt contre quatre responsables turcs, signataires d'un document confidentiel publié début 2014 dans la presse turque et présenté comme une note du MIT de novembre 2012 rédigée comme un "ordre de mission" pour Ömer Güney.

"Les investigations n'ont pas permis de retrouver la trace de commanditaires, probablement à cause des carences de la coopération internationale avec les autorités turques", constate l'un des avocats d'Omer Güney, Xavier Nogueras. "Dans ces conditions, Omer Güney, qui fait figure de bouc émissaire, comparaîtra très certainement devant la cour d'assises dans un dossier incomplet et pour le moins bancal", déplore-t-il, contestant, du fait de l'absence de commanditaires, toute dimension terroriste au dossier.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.