Mercredi 17 avril 2024 à 12h15
Beyrouth, 17 avr 2024 (AFP) — Amnesty International a accusé mercredi les autorités autonomes kurdes du nord-est de la Syrie, soutenues par Washington, de se livrer à des "crimes de guerre" dans les centres et camps où ils détiennent des dizaines de milliers de jihadistes présumés et leurs proches.
Les forces dirigées par les Kurdes ont été le fer de lance de la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) en Syrie en 2019 et jouissent toujours de l'appui des Etats-Unis.
Mais cinq ans plus tard, Amnesty affirme que les autorités autonomes kurdes détiennent plus de 56.000 proches de l'EI ou personnes suspectées d'appartenir à l'organisation dans 24 centres de détention et dans les camps d'al-Hol et de Roj, pour la plupart "arbitrairement et pour une durée indéterminée".
Amnesty international affirme dans un rapport que des détenus "sont en butte à des violations systématiques et meurent en grand nombre du fait des conditions inhumaines de détention dans le nord-est de la Syrie".
Le rapport évoque des "passages à tabac, positions douloureuses, décharges électriques, disparitions forcées et violences liées au genre notamment".
"Les autorités autonomes se livrent à des crimes de guerre de torture et de traitement cruel, et probablement au crime de guerre de meurtre", a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty.
"Le gouvernement américain joue un rôle central dans la création et le maintien de ce système, au sein duquel des centaines de personnes sont mortes", a-t-elle ajouté. "Les Etats-Unis sont impliqués dans la plupart des rouages du système de détention".
- "Les Etats-Unis doivent agir" -
Washington, à la tête de la coalition internationale contre l'EI, soutient depuis des années les forces kurdes dans leur lutte contre l'organisation ultraradicale.
La coalition, avec un financement américain, a contribué à la rénovation des centres de détention existants et à la construction de nouveaux centres dans le nord-est de la Syrie.
Une enquête de l'AFP en mars a mis en lumière les souffrances de plus de 40.000 personnes à al-Hol, pour moitié des enfants, dans des conditions déplorables, sans perspective d'avenir.
Parmi les personnes détenues figurent des ressortissants syriens, irakiens et d'environ 74 pays. Des dizaines de pays refusent toujours de rapatrier leurs ressortissants, au détriment de l'administration kurde autonome qui considère al-Hol comme "une bombe à retardement".
"Les violations commises (...) ne font que renforcer les griefs et sont synonymes d'injustice systématique", avertit Amnesty.
"Les autorités autonomes, les membres de la coalition dirigée par les Etats-Unis et l'ONU doivent agir afin de remédier à ces violations et de mettre fin aux cycles d'abus et de violences", a-t-elle poursuivi.
"Tous les 15 jours, ils nous sortaient dans la cour, tout nus... [Les gardiens] violaient les gens avec [un] bâton..." a témoigné un détenu, cité dans le rapport.
Mme Callamard a appelé à "accorder la priorité au développement d'une stratégie globale afin d'aligner ce système dégradant sur le droit international".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.