Vendredi 13 avril 2007 à 17h19
ANKARA, 13 avr 2007 (AFP) — La Turquie a resserré l'étau autour des rebelles kurdes réfugiés dans le nord de l'Irak en brandissant la menace militaire, une éventualité tout à fait possible si Américains et Irakiens n'agissent pas contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), estiment les analystes.
"Etape par étape on avance vers une opération militaire (...) Ce qui a accéléré ce processus ont été les déclarations de Barzani (Massoud, chef de la région autonome kurde du nord de l'Irak), affirme Sedat Laçiner, président de l'Institut des recherches stratégiques (USAK).
Pour cet analyste, la Turquie est sérieuse et l'éventualité d'une opération transfrontalière contre les séparatistes du PKK réfugiés dans le Kurdistan irakien pourrait devenir réalité, même si elle pourrait impliquer le pire scénario: une confrontation entre forces turques et américaines.
"La Turquie ne bluffe pas. Elle a longtemps attendu que les Américains et Irakiens se mobilisent contre le PKK, mais cela n'a pas été le cas", dit-il.
Le chef de l'armée turque, le général Yasar Büyükanit, s'est dit favorable jeudi au lancement d'une opération transfrontalière contre le PKK, considéré comme une organisation terroriste par Ankara, Washington et l'Union européenne.
"Si les forces armées se voient confier cette mission, elles sont assez fortes pour mener à bien de telles opérations", lancées plusieurs fois dans les années 1990, a-t-il ajouté haut et clair.
La Turquie estime que des milliers de rebelles du PKK ont trouvé refuge dans les montagnes de l'Irak du nord, qu'ils utilisent comme une base arrière pour lancer des opérations contre la Turquie.
Le PKK profite de l'embellie des liens entre l'occupant américain et son unique allié dans ce pays, les Kurdes, qui, par "esprit de fraternité", rejettent une intervention étrangère, en l'occurence turque.
Les Etats-Unis, alliés d'Ankara au sein de l'Otan, se sont immédiatement prononcés contre une opération turque en Irak, tout en reconnaissant qu'il "fallait s'occuper" du PKK qui a tué dix soldats pendant le seul mois d'avril en Turquie.
"L'idéal est de ne pas recourir à des opérations transfrontalières. Je ne pense pas que ce soit une option séduisante", a dit le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack.
Il a poussé Ankara vers Bagdad, demandant que les deux capitales coopèrent.
"Comment peut-on attendre d'un pays qui est incapable de protéger son Parlement de lutter contre le PKK ?", s'interroge M. Laçiner, perplexe.
Les Américains ne souhaitent pas une telle action, susceptible d'attiser davantage les violences en Irak qu'ils occupent depuis 2003.
Mais cette position est "contradictoire", estime Dogu Ergil, professeur de relations internationales à Ankara.
"Les Etats-Unis ont envahi l'Irak et maintenant ils disent qu'une intervention turque n'est pas la meilleure solution, ce n'est pas très crédible", souligne l'académicien.
Il insiste cependant qu'elle aura besoin d'une autorisation du Parlement, comme le veut la Constitution.
Les déclarations du général turc répondent aussi à M. Barzani, qui, sur une chaîne de télévision arabe, a menacé d'intervenir dans la question sensible de la minorité kurde de Turquie si Ankara s'opposait au projet de rattacher la riche ville pétrolifère irakienne de Kirkouk à la région kurde.
Ankara a protesté par une note diplomatique auprès de Bagdad qui a tenté de réduire la tension.
De l'avis des commentateurs de presse si rien n'est fait contre le PKK en Irak, "une opération militaire pendant l'été ne sera pas une surprise", comme l'écrit le journal Hürriyet.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.