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Au procès pour terrorisme de l'ultragauche, l'émotion du principal prévenu


Jeudi 5 octobre 2023 à 21h13

Paris, 5 oct 2023 (AFP) — La voix se brise souvent sous le coup de l'émotion, des larmes coulent. "Je ne suis pas violent", a assuré jeudi à la barre Florian D., présenté par les enquêteurs comme le "leader" d'un groupe d'ultragauche ayant fomenté un projet terroriste contre les forces de l'ordre.

Jugé en correctionnelle à Paris avec six autres prévenus pour association de malfaiteurs terroriste, Florian D., 39 ans, est soupçonné, selon l'ordonnance de renvoi des juges d'instruction, d'avoir cherché à "constituer un groupe, à entraîner et former ses membres, à leur trouver des armes".

Et ce dans le but "d'abattre les institutions républicaines en s'en prenant à titre principal à ses +chiens de garde+ que sont les policiers et militaires, ce qui constitue un acte terroriste".

Au coeur des soupçons le visant, un séjour de dix mois qu'il a effectué au Rojava, dans le nord-est de la Syrie, pour lutter aux côtés des Kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) contre le groupe Etat islamique, au cours desquels il a reçu un entraînement militaire.

"Je tiens à vous dire que je me sens particulièrement insulté" par les "accusations de terrorisme", déclare d'emblée le prévenu, petit gabarit, bras tatoué et cheveux gris ras, en arrivant à la barre. "Je suis à la fois ravi de pouvoir m'expliquer, ému, stressé et avec beaucoup d'appréhension".

Pendant environ deux heures, la voix souvent étranglée par des pleurs, il retrace sa vie d'"itinérance", entre squats et travaux saisonniers, entamée après avoir obtenu un diplôme dans un lycée agricole.

- De Sivens à Raqqa -

En 2014, il se rend sur la ZAD ("zone à défendre") du barrage de Sivens. "J'ai rencontré des gens que j'avais pas l'habitude de croiser, qui sortaient de milieux que j'avais pas l'habitude de côtoyer, c'était très enrichissant", se souvient-il.

Il n'est pas là lors des violentes évacuations, y revient après avoir ressenti "un sentiment de culpabilité" en voyant ses amis se faire gazer, mais n'y trouve pas sa place et en repart. "C'était vraiment difficile. On voyait une zone qu'on aimait qui se transformait en paysage de merde".

Il se rend ensuite à la jungle de Calais pour aider les migrants.

En 2017, il part pour le Rojava. "Il y a eu les attentats de Charlie Hebdo, les attentats du 13 novembre, on a tous été atteints", raconte Florian D., disant avoir appris à ce moment-là l'existence de Daech, le "summum de la barbarie", ainsi que celle des Kurdes qui combattaient contre.

"Je ne pouvais pas rester impassible" et "en même temps leur projet politique était cohérent", dit-il. "J'avais envie de voir ce que concrètement ils mettaient en place".

Sur place, le prévenu raconte avoir été formé rapidement à tirer "cinq balles avec un sniper". "Il y a eu de rares moments d'opérations militaires et beaucoup de rien où on est à l'arrière", relate-t-il.

Lors de la bataille de Raqqa, il contribue à avertir les forces de la coalition internationale des positions des poches de résistance de l'EI pour qu'elle puisse les frapper.

"Vous avez travaillé en bonne intelligence avec une institution qui est l'armée ?", lui demande un de ses avocats, Me Raphaël Kempf. "Oui", approuve-t-il.

"Participer à la lutte contre Daech, je suis content d'avoir fait ça à ma petite échelle", explique-t-il.

Est-il violent? lui demande la présidente du tribunal. "Non, les seuls actes violents, ça s'est passé en Syrie, face à Daech", réfute-t-il. Sinon, "je ne suis pas violent, je ne suis pas impulsif", affime-t-il.

Dans ces circonstances, comment une personne se disant "non-violente" peut-elle décider d'aller risquer sa vie et d'éventuellement tuer des gens? l'interroge un des représentants du ministère public. "Quand c'est la seule solution face à une atrocité comme cela, je vois pas où est le mal", répond Florian D.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.