Mercredi 24 janvier 2024 à 16h25
Paris, 24 jan 2024 (AFP) — L'exécution d'un Iranien, pendu pour avoir tué un policier lors des manifestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini en 2022, a provoqué les protestations d'ONG, qui soulignent qu'il souffrait de problèmes mentaux et que le jugement avait été annulé.
Mohammad Ghobadlou, 23 ans, a été exécuté tôt mardi dans la prison de Ghezel Hesar dans la ville de Karaj, près de Téhéran. Selon les autorités, le policier tué a été écrasé par une voiture pendant une manifestation en septembre 2022.
"L'exécution en Iran de Mohammad Ghobadlou qui souffrait de problèmes mentaux, est une injustice flagrante, un meurtre commis sous le prétexte d'une procédure judiciaire dépourvue de toute impartialité", a dénoncé Hadi Ghaemi, directeur exécutif du Center for Human Rights in Iran, basé à New York (Etats-Unis).
Le compte Instagram de Narges Mohammadi, lauréate du prix Nobel de la paix 2023 emprisonnée dans la prison d'Evin, située à Téhéran, a indiqué que 61 prisonnières politiques détenues dans l'établissement allaient se mettre en grève de la faim jeudi pour protester contre les exécutions en Iran.
La pendaison de mardi a eu lieu "dans des circonstances où il n'existait même pas de verdict final pour son exécution", selon la même source, qui n'a pas précisé combien de temps durerait la grève de la faim.
L'Iran a intensifié ses exécutions ces derniers mois, une stratégie visant à instiller la peur dans la population, selon les organisations de défense des droits humains.
D'après l'ONG Iran Human Rights (IHR), basée en Norvège, 51 personnes ont été exécutées depuis début 2024, et celle de Mohammad Ghobadlou est la neuvième liée aux émeutes de 2022.
Celles-ci avaient éclaté après la mort en détention de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans arrêtée par la police des moeurs pour un voile mal ajusté.
- "Meurtre extrajudiciaire" -
Les ONG se disent d'autant plus choquées que le jugement condamnant Mohammad Ghobadlou à mort avait été cassé en février 2023, lorsque la Cour suprême avait décidé d'un sursis à l'exécution, avant de renvoyer ensuite son cas devant une nouvelle juridiction pour examiner le sujet de ses problèmes mentaux.
"L'exécution de Mohammad Ghobadlou est un meurtre extrajudiciaire d'après les lois internationales et les propres lois de la République islamique", a déclaré le directeur d'IHR, Mahmood Amiry-Moghaddam.
Selon lui, ses avocats n'ont été prévenus que tard lundi que son exécution aurait lieu le lendemain matin.
Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux montre sa famille en pleurs devant la porte de la prison à l'annonce de l'exécution, et quelques heures plus tard prostrée sur sa tombe.
"L'exécution arbitraire de Mohammad Ghobadlou a abasourdi ses proches et son avocat, qui attendaient qu'il soit rejugé", a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe d'Amnesty International pour le Moyen Orient et l'Afrique du Nord.
Selon Amnesty, des documents publiés par des médias iraniens montrent que Gholamhossein Mohseni Ejei, le chef du système judiciaire iranien, est intervenu personnellement pour annuler l'ordre de rejuger Mohammad Ghobadlou et demander son exécution.
Le défunt était suivi dans un hôpital psychiatrique pour trouble bipolaire depuis l'âge de 15 ans et avait cessé de prendre son traitement avant les événements ayant mené à son arrestation, ajoute Amnesty.
Les manifestations de 2022 contre les dirigeants politiques et religieux iraniens ont duré des mois. La répression violente de ce mouvement a provoqué des centaines de morts et des milliers d'arrestations.
Dans la même prison de Ghezel Hesar, un Kurde Iranien, Farhad Salimi, a été exécuté mercredi. C'était l'un des sept hommes condamnés à mort dans l'affaire du meurtre d'un religieux en 2008.
Farhad Salimi est le quatrième condamné dans cette affaire à être exécuté ces derniers mois, et les ONG soulignent que les trois derniers risquent de subir le même sort rapidement.
Les exécutions de MM. Ghobadlou et Salimi "après des procès iniques et scandaleux marquent un glissement douloureux vers de nouveaux niveaux de cruauté", a fustigé Amnesty.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.