Dimanche 2 octobre 2022 à 18h51
Paris, 2 oct 2022 (AFP) — Au moins 92 personnes ont été tuées en Iran par la répression des manifestations qui ont éclaté il y a deux semaines après la mort de Mahsa Amini, arrêtée par la police des moeurs, a indiqué dimanche l'ONG Iran Human Rights (IHR).
Le président Ebrahim Raïssi a de nouveau accusé les "ennemis" de l'Iran de "conspirer" contre son pays, estimant que leurs tentatives ont "échoué", alors que les manifestations antigouvernementales, les plus importantes depuis 2019, se poursuivent.
Le mouvement de contestation a été déclenché par le décès le 16 septembre de la jeune Kurde iranienne de 22 ans, trois jours après son arrestation pour infraction au code vestimentaire strict de la République islamique qui oblige notamment les femmes à porter le voile.
Au moins 92 manifestants ont été tués depuis le début du mouvement, selon l'IHR. L'ONG basée à Oslo s'efforce d'évaluer le nombre de morts malgré les coupures d'Internet et les blocages d'applications comme WhatsApp ou Instagram et d'autres services en ligne en Iran.
Par ailleurs, 41 autres personnes ont péri lors d'affrontements vendredi dans la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est), frontalière de l'Afghanistan et du Pakistan, a ajouté l'ONG citant des sources locales. On ignore si ces violences sont liées à la mort de Mahsa Amini.
Cette province, frappée par la pauvreté, a souvent été le théâtre d'affrontements entre forces de sécurité et des rebelles de la minorité baloutche, des groupes extrémistes musulmans sunnites ou des trafiquants de drogue.
Mais un prédicateur de la minorité sunnite, Molavi Abdol Hamid, a déclaré que la communauté était "enflammée" après le viol présumé d'une adolescente de 15 ans par un responsable de la police dans la province, dans un message publié sur son site internet la semaine dernière.
- "Crime contre l'humanité" -
L'IHR a accusé les forces de sécurité d'avoir "réprimé dans le sang" une manifestation vendredi à Zahedan, capitale du Sistan-Baloutchistan.
"Les meurtres de manifestants en Iran, notamment à Zahedan, constituent un crime contre l'humanité", a déclaré le directeur de l'IHR, Mahmood Amiry-Moghaddam. "La communauté internationale a le devoir d'enquêter et d'empêcher que d'autres crimes ne soient commis par Téhéran".
Le pouvoir, qui dément toute implication des forces de l'ordre dans la mort de Mahsa Amini, affirme quant à lui qu'environ 60 personnes, dont 10 membres des forces de l'ordre, ont été tuées depuis le 16 septembre.
Dimanche, les médias locaux ont rapporté que cinq membres des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de l'Iran, ont été tués lors des heurts à Zahedan.
Et dans la ville sainte chiite de Qom, au sud de Téhéran, un paramilitaire "poignardé" lors des "récentes émeutes" a succombé à ses blessures, a indiqué l'agence officielle Irna.
L'Iran impute la responsabilité des manifestations à des forces extérieures, notamment à son ennemi juré, les Etats-Unis, ainsi qu'aux alliés occidentaux de Washington.
"Alors que la République islamique était en train de surmonter les problèmes économiques pour devenir plus active dans la région et dans le monde, les ennemis sont entrés en jeu avec l'intention d'isoler le pays, mais ils ont échoué dans cette conspiration", a affirmé dimanche le président iranien.
- Concession -
Vendredi, le ministère du Renseignement a déclaré que neuf ressortissants étrangers -- notamment de France, d'Allemagne, d'Italie, des Pays-Bas et de Pologne -- avaient été arrêtés en lien avec les manifestations, ainsi que 256 membres de groupes d'opposition illégaux aux yeux de Téhéran.
Par ailleurs, plus de 1.200 manifestants ont été arrêtés depuis le début des protestions, d'après un bilan officiel. Des militants, des avocats et des journalistes ont également été interpellés, selon des ONG.
Ces troubles surviennent alors que l'Iran cherche à relancer l'accord sur le nucléaire conclu en 2015 avec les Etats-Unis et d'autres grandes puissances, en vue de mettre fin à un régime de sanctions punitives qui étrangle son économie et a entraîné le gel de milliards de dollars à l'étranger. Washington s'était retiré de l'accord en 2018 sous le règne de Donald Trump, et les négociations pour le raviver sont au point mort.
Dans une rare concession, Téhéran a autorisé un Irano-américain détenu en Iran depuis 2016, Baquer Namazi, 85 ans, à quitter le pays, et a libéré son fils, Siamak Namazi, un homme d'affaires de 50 ans arrêté en 2015, a confirmé samedi l'ONU.
A la suite de cette libération, l'Iran attend désormais le déblocage d'environ 7 milliards de dollars de fonds gelés à l'étranger, a indiqué dimanche un média d'Etat.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.