Mercredi 30 novembre 2022 à 13h17
Nicosie, 30 nov 2022 (AFP) — La défaite de l'équipe d'Iran de football contre les Etats-Unis et son élimination du Mondial au Qatar ont suscité parmi les Iraniens des scènes joie et de désespoir dans un pays partagé face au mouvement de contestation depuis deux mois et demi.
Ce match contre les Etats-Unis -- ennemi juré de la République islamique -- a donné lieu à des scènes extraordinaires d'Iraniens applaudissant la défaite 1 à 0: "Qui aurait pensé que je me réjouirais du but de l'Amérique !" a tweeté le journaliste iranien Saeed Zafarany après la rencontre.
Les célébrations ont été particulièrement marquées au Kurdistan iranien, berceau du mouvement de contestation déclenché par la mort en détention de Mahsa Amini, une Kurde de 22 ans arrêtée le 16 septembre pour infraction code vestimentaire strict de la République islamique prévoyant notamment l'obligation pour les femmes de porter le voile dans les lieux publics.
Des acclamations et des coups de klaxon ont retenti dans la nuit dans un quartier de la ville de Sanandaj (nord-ouest) après le but inscrit par les Etats-Unis, selon une vidéo du militant kurde Kaveh Ghoreishi.
Ce but a également provoqué des scènes de joie à Saghez, ville natale de Mahsa Amini, selon le site Internet Iran Wire, basé à Londres, qui a publié une vidéo montrant des feux d'artifice avec des bruits d'applaudissement.
Les scènes de joie ne se sont pas limitées à la province du Kurdistan, reflétant l'étendue du mouvement de contestation dans le pays. Des Iraniens ont ainsi célébré la défaite dans la capitale Téhéran, ainsi que dans les villes d'Ardabil, de Mashhad, Kerman et Zahedan, selon des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux et vérifiées par l'AFP.
- Contrastes -
Mais l'ambiance était totalement différente dans une tour de Téhéran où des centaines de personnes s'étaient rassemblées pour encourager leur équipe, notamment des femmes portant le foulard, dans un pays où les femmes ont souvent eu des difficultés à accéder aux stades.
"Je suis triste que l'Iran n'ait pas pu battre les Etats-Unis, mais nous sommes quand même fiers de notre équipe et de ses joueurs", a déclaré Ali, un retraité.
Au Qatar, des supporters des Etats-Unis et de l'Iran s'étaient mélangés en bonne entente avant le match. A l'intérieur du stade, des supportrices iraniennes dans les gradins, souvent debout et sans voile, encourageaient fièrement les joueurs de leur équipe.
Après avoir refusé de chanter l'hymne national lors de leur premier match contre l'Angleterre en signe de solidarité avec les manifestations, les joueurs sont revenus sur leur position pour leur deuxième match contre le Pays de Galles, et contre les Etats-Unis où ils ont à nouveau entonné l'hymne, sans enthousiasme.
Maintenant ils rentrent chez eux dans un pays dont les autorités répriment les manifestations, pour la plupart pacifiques, qui sont devenues le plus grand défi du régime depuis sa naissance en 1979 avec la révolution islamique.
Emblématiques de ces divisions, des bagarres entre Iraniens pour et contre le régime ont éclaté à l'extérieur du stade après le match contre les Etats-Unis, selon une vidéo de l'AFP. Elle montre une femme portant un tee-shirt avec le slogan des manifestants, "Femme, vie, liberté", harcelée par des Iraniens pendant qu'elle donne une interview à une chaîne de télévision.
Un journaliste danois a déclaré avoir été brièvement arrêté après avoir filmé des supporters pro-régime attaquant des partisans du mouvement de contestation iranien. Rasmus Tantholdt, de TV2 Danemark, a indiqué sur Twitter que les forces de sécurité qataries lui avaient demandé d'effacer la séquence, mais qu'il avait refusé de le faire.
Des supporters iraniens ont eux été confrontés aux services de sécurité du Qatar, pour avoir porté des vêtements à l'effigie de Mahsa Amini ou avec le slogan des manifestations "Femme, vie, liberté". Contrairement aux autres Etats du Golfe, le Qatar entretient des relations cordiales avec Téhéran.
Depuis le début du mouvement de contestation, plus de 300 personnes ont été tuées et plus de 2.000 arrêtés, selon les autorités iraniennes. tandis que l'ONG Iran Human Rights (IHR), basée en Norvège, fait état d'au moins 448 morts.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.