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Kurdistan: Sur les terres du PKK, dans les Monts Qandil


Vendredi 28 mars 2008 à 13h47

MONTS QANDIL (Irak), 28 mars 2008 (AFP) — "Nous sommes le peuple. Le PKK est partout chez lui au Kurdistan", affirme un chef de ce mouvement séparatiste. Au Kurdistan peut-être, mais "chez lui", dans les montagnes de Qandil, aux confins des frontières irakiennes, turques et iraniennes, sans aucun doute.

Les séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) se fondent totalement au sein de la population rurale des hameaux miséreux et paysages majestueux de cette forteresse naturelle, haute chaîne de montagnes pelées et rocailleuses dans l'extrême nord de l'Irak.

A une vingtaine de kilomètres de la localité de Sangasar, voisine de l'Iran, une casemate en brique peinte aux couleurs du PKK au détour d'un virage marque l'entrée des territoires séparatistes.

Assis nonchalamment sur des chaises de jardins en plastique, deux combattants rebelles contrôlent le nouveau venu. A flanc de montagne, dessiné à même la roche, un immense portrait du chef rebelle vénéré Abdullah Ocalan (emprisonné à vie en Turquie) domine la vallée.

Pour arriver jusque-là, il faut désormais éviter à pied plusieurs barrages des peshmergas, militaires de la région voisine du Kurdistan autonome (nord de l'Irak), qui quadrillent les routes et ont nettement renforcé leur contrôle.

Un guide local aux allures de contrebandiers, solide gaillard en babouche qui file dans la pente comme un bouquetin, aide à contourner les check-points. Au passage, entre deux chants patriotiques kurdes, il apprend avec surprise que Jacques Chirac n'est plus le président français et, beaucoup plus dramatique, que Zinédine Zidane a pris sa retraite.

Avant de pénétrer sur les terres de la guérilla, téléphones mobiles et satellitaires sont confisqués: "les Américains!", s'excuse la sentinelle, un doigt pointé vers le ciel pour résumer la menace que font désormais planer les satellites espions de Washington, allié de la Turquie.

Interdiction également de filmer. Tout ce qui peut permettre à l'ennemi turc d'identifier les lieux est prohibé.

Au détour d'un chemin de terre, comme une brève apparition, trois combattantes du mouvement séparatiste, recoiffant d'un geste élégant de longs cheveux bruns, s'éloignent en riant à la vue d'un étranger.

A l'entrée d'un petit bourg anonyme, des enfants se chamaillent dans des jardinets boueux où du bétail broute paisiblement le long d'un torrent d'eau claire. L'ambiance est champêtre, le spectacle enchanteur, avec en arrière plan des hautes cimes enneigées.

Les rebelles sont invisibles. Aucun signe de la guerre sans merci que se livrent, à quelques dizaines de kilomètres plus au nord, le PKK et ses voisins turcs.

Seul un dispensaire de santé, "qui servait surtout aux habitants de la vallée" selon le PKK, a été détruit il y a trois mois dans un bombardement de l'aviation turque.

Bozan Tekine, numéro deux du PKK, rencontre l'étranger en toute simplicité, chez l'habitant, sympathisant de la cause.

Pas d'escorte, ni signe distinctif si ce n'est sa kalachnikov en bandoulière. Cet avenant cinquantenaire à l'allure de simple soldat, vêtu comme tous les guérilleros kurdes et paysans locaux du traditionnel pantalon bouffant serré à la taille par une large ceinture de flanelle, plaide naturellement la cause du peuple kurde, sous le regard amical de son hôte.

L'épouse du maître des lieux s'emploie à mettre à l'aise ses invités en servant thé et confiseries. Deux garçonnets, un temps intimidés, ont vite fait de venir chahuter dans les jambes du chef rebelle qui demande avec amabilité de baisser le son de la télévision dans la pièce voisine.

L'entretien terminé, Bozan Tekine se fait déposer par son hôte en voiture à quelques kilomètres de là. Seul, sifflotant comme un banal randonneur, il repart tranquillement par un chemin de terre vers la montagne.

Là encore, aucune trace des combattants du PKK. "Pourtant, ils sont là, tout autour, et ils nous regardent", s'amuse notre guide, désignant du regard les sommets environnants.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.