Lundi 9 decembre 2024 à 16h53
Bruxelles (Belgique), 9 déc 2024 (AFP) — L'Union européenne s'est réjouie de la fin d'une "cruelle dictature" en Syrie, mais redoute aussi un scénario "à la libyenne" qui provoquerait chaos et nouvelle crise migratoire.
"Ce changement historique dans la région offre des opportunités mais n'est pas sans risques", a déclaré dimanche la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Les Européens redoutent en particulier que la chute du président syrien Bachar al-Assad ne débouche sur de nouveaux troubles, et un effondrement du pays similaire à celui qui avait suivi, en Libye, la chute de Mouammar Khadafi.
"Nous devons être vigilants", résumait lundi une source diplomatique à Bruxelles.
L'attitude des institutions européennes va dépendre de celle des islamistes du groupe HTS, considéré jusqu'à présent comme une organisation terroriste par les pays occidentaux, et avec qui l'UE n'a, pour l'instant, aucun contact.
L'Europe fait face à "une difficile équation" si elle veut prendre contact avec les nouveaux dirigeants syriens, en raison de leur lien avec le djihadisme radical, a jugé sur ce point Ian Lesser, expert des questions de sécurité auprès du German Marshall Fund, un think tank américain basé à Bruxelles.
"Alors que HTS prend davantage de responsabilités, nous aurons besoin d'évaluer non seulement leurs paroles, mais aussi leurs actes", a ainsi expliqué lundi un porte-parole de l'UE.
Le groupe HTS est l'ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda, qui dit avoir rompu avec le jihadisme.
- Respect des minorités -
Les Européens réclament avant tout le respect des minorités dans un pays où sunnites, alaouites, chrétiens ou encore kurdes cohabitent difficilement.
"Il est impératif que toutes les parties prenantes s'engagent dans un dialogue inclusif, dirigé et contrôlé par les Syriens, sur toutes les questions clés afin de garantir une transition ordonnée, pacifique" et capable d'inclure toutes les communautés du pays, a indiqué sur ce point la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, au nom des 27 pays membres de l'UE.
"Les Européens devraient en tout premier lieu se concentrer sur la grande opportunité" représentée par le départ d'Assad, "principal responsable de l'instabilité, de la violence brutale et des flux de réfugiés" en Syrie et au-delà, a jugé Julien Barnes-Decey, directeur Moyen-Orient auprès de l'ECFR, le Conseil européen pour les affaires internationales.
La dictature et la guerre civile en Syrie ont provoqué la fuite hors du pays de quelque sept millions de personnes, ont rappelé lundi les eurodéputés de la Commission Affaires étrangère du Parlement européen.
Beaucoup d'entre eux ont trouvé refuge dans l'UE, particulièrement en Allemagne, où les autorités ont décidé dès lundi de suspendre les décisions sur les demandes d'asile de Syriens.
Les autorité d'Ankara ont accepté, en échange d'une aide financière substantielle de l'UE, d'accueillir sur leur sol des millions de réfugiés syriens, fuyant la guerre civile dans leur pays.
Beaucoup veulent aujourd'hui rentrer chez eux, mais pourraient à nouveau prendre le chemin de l'exil si la situation se dégradait en Syrie. Avec, cette fois, l'incertitude sur le rôle que la Turquie pourrait jouer.
- "Scénario du chaos" -
"Il faut à tout prix éviter ce scénario du chaos", et la Commission européenne se prépare aussi sur le volet humanitaire, "elle prend des contacts dans la région et va annoncer une augmentation de son aide", a expliqué une source européenne à Bruxelles.
"Il est important d'accroître notre soutien à la population civile, c'est aussi une manière de stabiliser la situation", a-t-on ajouté de même source.
"Les Européens peuvent fournir davantage d'aide humanitaire et économique, y compris en levant rapidement certaines de leurs sanctions", estime Julien Barnes-Decey.
Européens et Américains redoutent aussi une éventuelle résurgence de l'EI, l'organisation de l'Etat islamique, dont des combattants sont toujours actifs en Syrie, ou emprisonnés dans des camps sous contrôle kurde, si le chaos devait prévaloir en Syrie.
"Je pense qu'il y aura un effort continu emmené par les Etats-Unis pour empêcher toute réémergence de l'EI", juge sur ce point Ian Lesser, du German Marshall Fund, un think tank américain basé à Bruxelles.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.