Jeudi 31 mars 2022 à 15h18
Berlin, 31 mars 2022 (AFP) — Au lendemain du retour de 27 enfants de jihadistes depuis la Syrie, l'Allemagne a désormais rapatrié "une grande partie" de ces enfants, une annonce saluée par des ONG alors que la France notamment maintient une politique restrictive.
"Ces 27 enfants sont en fin de compte des victimes de l'EI", le groupe Etat islamique, a souligné la ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, en annonçant dans la nuit de mercredi à jeudi la cinquième opération de rapatriement menée "dans des conditions extrêmement difficiles" depuis le camp de Roj, dans le nord-est de la Syrie sous contrôle kurde, jusqu'à Francfort.
"Ils ont droit à un avenir meilleur, loin de l'idéologie meurtrière (de l'EI), et à une vie en sécurité, comme nous le souhaitons pour nos propres enfants", a-t-elle ajouté.
Désormais, "la majorité des enfants allemands" vivant dans le camp surpeuplé et insalubre de Roj ont pu rejoindre l'Allemagne, a-t-elle précisé, trois ans après la première opération du genre.
"Il ne reste plus que quelques cas particuliers pour lesquels nous continuons à travailler sur des solutions individuelles", a ajouté la ministre écologiste.
- "Très encourageant" -
Outre les 27 enfants, 10 femmes ayant rejoint les rangs de l'EI ont également été ramenées en Allemagne.
Quatre d'entre elles ont été interpellées dès leur descente d'avion. L'une d'elles est notamment soupçonnée de crimes contre l'humanité pour avoir réduit à l'état d'esclave une femme de la minorité kurdophone yazidie à Mossoul, en Irak.
"C'est très encourageant et j'espère que cela servira d'exemple à d'autres États", s'est félicitée Sonia Khush, spécialiste de la Syrie au sein de l'ONG Save the Children. "Les enfants doivent rentrer chez eux", selon elle.
Au total, les autorités allemandes, appuyées notamment par les Américains et les autorités kurdes du nord-est de la Syrie, ont rapatrié depuis 2019 91 personnes, dont une majorité d'enfants (69).
L'Allemagne a plusieurs fois été condamnée par les tribunaux à rapatrier des femmes et des enfants de jihadistes.
Dans le camp de Roj et celui d'Al-Hol, également dans le nord-est de la Syrie, croupissent des dizaines de milliers de déplacés, gardés par les forces kurdes. Selon Save the Children, 7.300 mineurs originaires de 60 pays différents y survivent, avec 18.000 jeunes Irakiens.
L'an dernier, 74 enfants sont morts dans le camp de Al-Hol, dont huit ont été tués, selon Save the Children.
- 200 enfants français -
L'ONG avait lancé le 23 mars un nouvel appel aux gouvernements pour qu'ils rapatrient ces enfants. "Mais au lieu de les ramener à la maison, les gouvernements nient leur responsabilité", selon Sonia Khush. "Les mères sont déchues de leur nationalité et ils (les gouvernements) les forcent à une décision impossible : soit elles restent avec leurs enfants dans ces camps, soit elles laissent leurs enfants rentrer seuls chez eux et ne les revoient jamais", selon elle.
Quelque 200 enfants français sont également détenus dans ces camps sous contrôle kurde, dont 90% ont moins de 12 ans, selon le psychiatre français Serge Hefez.
Le gouvernement français refuse de rapatrier les adultes, hommes et femmes, qui avaient rallié l'EI, estimant qu'ils représentent une menace pour la sécurité des Français et souhaite qu'ils soient jugés sur place pour les actes qu'ils ont commis.
Il a toutefois rapatrié 35 enfants, majoritairement des orphelins et ceux dont les mères, souvent veuves, ont accepté de se séparer.
Le mois dernier, plusieurs ONG, dont la Ligue des droits de l'Homme et Amnesty international, avaient lancé à Paris un nouveau "cri d'alarme" sur le "danger de mort" qui menace ces enfants français retenus pour certains depuis 2017.
"Tout milite en faveur de leur rapatriement: les conditions (de vie) épouvantables, des traitements inhumains et dégradants" infligés à ces enfants qui "n'ont pas choisi de partir, c'est le choix de leurs parents", avait insisté Patrick Baudouin, président d'honneur de la Fédération internationale des droits de l'Homme.
Le 14 décembre, une Française de 28 ans, diabétique, était morte, laissant orpheline une fillette de 6 ans.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.