Samedi 8 avril 2023 à 20h18
Bagdad, 8 avr 2023 (AFP) — Le président irakien Abdel Latif Rachid a condamné samedi un "bombardement" turc mené la veille contre l'aéroport de Souleimaniyeh au Kurdistan d'Irak, au moment où s'y trouvait le chef d'une influente coalition syrienne alliée à Washington et des soldats américains.
Après avoir initialement nié qu'il avait été pris pour cible, les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition dominée par des combattants kurdes, ont admis samedi que leur chef Mazloum Abdi se trouvait à l'aéroport de Souleimaniyeh au moment de l'attaque.
Le Pentagone a confirmé samedi à l'AFP qu'un "convoi avec des soldats américains a été frappé" vendredi à Souleimaniyeh. "Heureusement, il n'y a pas eu de blessé", a ajouté Phillip Ventura, un de ses porte-parole.
Le ministère américain de la Défense, qui enquête sur la frappe, "s'oppose vivement à toute action qui met en danger la sûreté et la sécurité" de ses soldats, a-t-il précisé.
Depuis des décennies, le conflit opposant la Turquie au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), mouvement classé "terroriste" par Ankara et ses alliés occidentaux, a débordé dans le nord de l'Irak, où les deux camps disposent de positions militaires ou de bases arrières.
Au Kurdistan d'Irak, région autonome, Ankara effectue ponctuellement des frappes de drones contre le PKK. Accusant les FDS d'être une extension du PKK, l'armée turque a aussi lancé plusieurs offensives en Syrie voisine contre ses combattants.
Vendredi, les services de sécurité de l'aéroport de Souleimaniyeh avaient laconiquement rapporté une "explosion" près du mur d'enceinte qui n'a pas fait de victimes.
"Les opérations militaires turques contre la région du Kurdistan se répètent, la dernière en date étant le bombardement contre l'aéroport civil de Souleimaniyeh", a accusé samedi la présidence irakienne dans un communiqué, estimant qu'il n'y avait "aucune justification légale" à de telles actions.
Contactée par l'AFP à Ankara, une source au ministère de la Défense a démenti toute implication, affirmant que "les forces armées turques n'ont pas eu une telle activité".
- "Rentré indemne" -
La Turquie a fermé début avril son espace aérien aux avions en provenance et à destination de l'aéroport de Souleimaniyeh.
Ankara a justifié cette mesure en accusant les combattants du PKK d'avoir intensifié leurs activités dans le secteur, fustigeant même une "intrusion" de l'organisation "terroriste" dans l'aéroport.
Les FDS, grands alliés des Etats-Unis dans la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI), ont expliqué samedi avoir nié dans un premier temps la présence de M. Abdi à Souleimaniyeh, pour des raisons de sécurité.
"Nous avons délibérément limité la publication d'informations concernant l'attaque turque contre l'aéroport de Souleimaniyeh au moment où s'y trouvait le commandant en chef Mazloum Abdi, jusqu'à ce qu'il rentre indemne dans le nord-est de la Syrie", souligne le communiqué.
M. Abdi s'apprêtait à rentrer en Syrie quand la frappe a eu lieu, a précisé à l'AFP un porte-parole des FDS, Farhad Shamia. Il était à Souleimaniyeh pour rencontrer les services antiterroristes locaux en vue de "coordonner l'engagement qui se poursuit contre" l'EI, selon le porte-parole. La coalition internationale était au courant, a-t-il assuré.
- "Frères et alliés" -
M. Abdi avait auparavant condamné le bombardement contre l'aéroport de Souleimaniyeh. Il a estimé dans un tweet que "la position de soutien" apportée par l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), parti aux manettes à Souleimaniyeh, "à ses frères en Syrie irritait la Turquie".
"Nous poursuivrons nos relations de principe avec nos frères et alliés à Souleimaniyeh", promettait-il.
Ces relations avaient été mises au jour à la mi-mars à l'occasion d'un autre incident dans le nord de l'Irak. Neuf combattants des FDS avaient péri dans le crash de deux hélicoptères causé par "le mauvais temps", selon un communiqué. Cette délégation se rendait au Kurdistan irakien pour "échanger des informations militaires et de sécurité".
Considérant les FDS et leur principale composante des YPG (Unités de protection du peuple) comme une extension du PKK, la Turquie les qualifie aussi de "terroristes", même s'ils sont les précieux alliés de Washington dans la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI).
En Irak, Ankara a installé depuis 25 ans plusieurs dizaines de bases militaires au Kurdistan autonome, qui n'a d'autre choix que d'accepter cette présence et les opérations terrestres et aériennes menées régulièrement contre le PKK.
En juillet 2022, des frappes d'artillerie imputées à Ankara contre une aire de loisirs du Kurdistan avaient tué neuf civils parmi lesquels des femmes et des enfants. La Turquie avait nié toute responsabilité et accusé le PKK.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.