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L'Iran s'affaire tous azimuts pour briser son isolement


Mercredi 21 juin 2023 à 04h32

Téhéran, 21 juin 2023 (AFP) — Depuis le début de l'année, l'Iran se montre très actif sur la scène diplomatique avec l'ambition de réduire son isolement en se liant davantage à la Chine et à la Russie, en se réconciliant avec ses voisins arabes mais aussi en réduisant les tensions avec les pays occidentaux.

Si les deux premières stratégies sont désormais bien enclenchées, l'incertitude demeure quant à la possibilité d'un accord avec les Etats-Unis, qui restent l'ennemi emblématique de la République islamique.

Par son engagement diplomatique, l'Iran "veut prouver que, en dépit des sanctions et des protestations internes, il continue à surmonter la tempête en renforçant ses liens à l'international", explique Sanam Vakil, spécialiste de l'Iran au groupe de réflexion Chatham House.

Ces derniers jours, Téhéran comme Washington sont très discrets sur l'avancée de leurs pourparlers indirects menés sous l'égide d'Oman, traditionnel médiateur entre ces deux pays qui n'entretiennent pas de relations diplomatiques.

Iraniens et Américains cherchent à établir des "accords limités, destinés à réduire les tensions", comme "des avancées sur le programme nucléaire iranien et la libération de prisonniers" américains en Iran, précise l'expert iranien Diako Hosseini.

A terme, Téhéran espère que ces petits pas diplomatiques permettront de relancer une économie affaiblie par les sanctions occidentales et une inflation record, qui pèse fortement sur le pouvoir d'achat des 85 millions d'Iraniens.

Les séries successives de sanctions décidées par les Etats-Unis depuis 2018 ont un effet fortement dissuasif pour toutes les entreprises étrangères envisageant d'investir en Iran, peu importe leur nationalité.

L'amorce d'une détente entre Iraniens et Américains serait donc vue d'un bon oeil par les pays arabes, notamment ceux du Golfe, soucieux de calmer les tensions attisées par les conflits au Yémen ou en Syrie.

Ce souhait est l'un des principaux moteurs de la normalisation des relations entre l'Iran et l'Arabie saoudite, survenue après sept années de rupture.

Engagé en mars sous l'égide de la Chine, ce rapprochement a un impact sur d'autres pays qui ont coupé les ponts avec l'Iran, comme l'Egypte ou Bahreïn, et qui pourraient prochainement renouer avec Téhéran.

L'une des inconnues est néanmoins l'attitude d'Israël, déterminé à ne pas laisser l'Iran se doter de l'arme nucléaire. "Seuls les ennemis de l'islam, conduits par le régime sioniste (Israël, NDLR), sont contrariés par les progrès de la coopération entre l'Iran et l'Arabie saoudite", a déclaré vendredi le président iranien, Ebrahim Raïssi.

- "Nouvel ordre mondial" -

Parallèlement, un certain apaisement se dessine entre l'Iran et les pays européens après des mois de fortes tensions liées au mouvement de contestation largement soutenu en Europe. Ce mouvement a été déclenché par la mort en septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans arrêtée pour non respect du code vestimentaire strict imposé aux femmes en Iran.

Au cours des dernières semaines, l'Iran a libéré six Européens qu'il détenait et a mené des discussions sur le nucléaire avec l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

Mais les pays occidentaux ont un nouveau grief contre l'Iran: son soutien à Moscou dans la guerre menée par la Russie en Ukraine. Ils accusent Téhéran de fournir des drones à Moscou et de l'aider à construire une usine pour les fabriquer, ce que Téhéran dément.

L'Iran regarde aussi vers la Chine, espérant attirer d'importants investissements chinois, dont le niveau reste faible malgré de nombreuses promesses.

Pour la première fois en 20 ans, M. Raïssi a ainsi effectué en février une visite présidentielle en Chine, où son homologue chinois, Xi Jinping, a loué la "solidarité" entre les deux pays.

L'Iran, qui espère devenir l'un des piliers de ce qu'il qualifie de "nouvel ordre mondial", tente d'étendre son influence en Asie du Sud-Est, Afrique et Amérique latine.

Après s'être rendu en Indonésie, M. Raïssi a visité la semaine dernière trois "pays amis" d'Amérique latine --le Venezuela, le Nicaragua et Cuba--, où il a dénoncé "les puissances impérialistes", notamment Washington.

Téhéran "se tourne vers des pays qui ne sont pas orientés vers le bloc occidental, afin de montrer que l'influence occidentale n'est pas essentielle pour l'Iran et son économie", commente l'expert Diako Hosseini.

L'Iran dit vouloir intégrer au plus vite deux organisations sans membres occidentaux: celle des Brics -- qui regroupe l'Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, l'Inde et la Russie -- et l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui réunit notamment la Chine, la Russie et quatre pays d'Asie centrale.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.