Lundi 9 decembre 2024 à 16h49
Paris, 9 déc 2024 (AFP) — La chute de Bachar al-Assad en Syrie a provoqué une onde de choc qui s'est propagée de l'Iran à la Russie, en passant par la Turquie, Israël et les pays occidentaux.
Les enjeux de la nouvelle situation en Syrie sont multiples pour les puissances étrangères impliquées dans le pays.
- Iran, "le plus grand perdant" -
Téhéran a perdu un maillon essentiel de son "axe de la résistance" face à Israël et apparaît désormais considérablement affaibli.
"L'Iran est à l'évidence le plus grand perdant car la Syrie lui servait de base arrière", souligne Hasni Abidi, directeur du Centre d'études sur le monde arabe et méditerranéen, citant notamment la fabrication d'armes, la continuité avec l'Irak, et "le point de passage le plus important avec son allié le Hezbollah libanais" qui perd un axe crucial de ravitaillement en armement.
Outre la perte d'influence en Syrie, l'Iran peut redouter des répercussions en interne. "Qu'un régime comme celui de Bachar al-Assad soit tombé peut inquiéter le régime islamique en butte à une opposition interne, et qui a déjà été affaibli par les bombardements israéliens", note Agnès Levallois, de l'Institut de recherche et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient.
"Les gardiens de la Révolution tiennent bien" jusqu'à présent, mais cela peut redonner de la vigueur au mouvement de protestation, poursuit-elle.
- La Russie -
Vladimir Poutine a assisté, impuissant, à la déroute de son allié mais le Kremlin, pragmatique, a très vite mis en avant la nécessité de discuter avec les nouvelles autorités. Dès lundi, le drapeau de l'opposition syrienne a été hissé sur l'ambassade de Syrie à Moscou.
"Il faut absolument que les Russes sauvent leurs intérêts stratégiques, d'où la main tendue au nouveau régime", résume Agnès Levallois.
La Russie, qui s'était engagée militairement dans le conflit syrien en 2015, dispose sur le sol syrien d'une base navale à Tartous et d'un aérodrome militaire à Hmeimim.
"C'est grâce à sa base navale que la Russie a réussi à s'implanter en Libye et dans les pays de Sahel", rappelle Hasni Abidi. "La Russie a donc entamé immédiatement les discussions avec les nouveaux décideurs sur les conditions de la continuation de leurs relations".
Une source au Kremlin, citée par les agences de presse publiques TASS et Ria Novosti, a indiqué dimanche soir que Moscou était déjà en contact avec les rebelles syriens et que leurs dirigeants ont "garanti la sécurité des bases militaires et des institutions diplomatiques russes sur le territoire de la Syrie".
- La Turquie, incontournable -
La Turquie apparaît, elle, désormais comme "un Etat incontournable dans les affaires de la Syrie", observe Hasni Abidi.
Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a appelé lundi les acteurs internationaux, "en particulier des Nations unies", à tendre "la main au peuple syrien" et à soutenir "la formation d'un gouvernement inclusif".
Les autorités turques souhaitent la constitution d'un gouvernement au plus vite car leur "priorité numéro une est de renvoyer les réfugiés syriens chez eux", explique Agnès Levallois, alors que la Turquie en accueille sur son sol près de trois millions. En outre, "la hantise des Turcs, c'est que les Kurdes profitent de la situation pour mettre en place un gouvernement autonome".
- La menace jihadiste dans le viseur de Washington -
Les Etats-Unis redoutent que le groupe jihadiste Etat islamique (EI) profite de la situation pour "se rétablir" en Syrie, où il avait occupé de larges pans de territoire entre 2014 et 2018.
Déterminés à ce que ce scénario ne se concrétise pas, le Centcom, commandement militaire américain pour le Moyen-Orient, a annoncé que des avions américains avaient mené dimanche "des dizaines de frappes" dans le centre de la Syrie, visant "plus de 75 cibles" de l'EI.
- Sécurité d'Israël -
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a ordonné dimanche à l'armée de "prendre le contrôle" de la zone tampon du Golan, dans le sud-ouest syrien.
"C'est clairement un message envoyé aux nouvelles autorités de Damas de ne surtout pas bouger", estime Agnès Levallois. "Les Israéliens signalent que s'il y a un changement de pouvoir à Damas, ils ne vont rien changer à leur stratégie".
Israël entend mettre en sécurité son territoire. Son chef de la diplomatie a confirmé lundi que son pays avait mené des frappes ces jours-ci pour détruire des "armes chimiques" en Syrie, afin d'éviter que celles-ci ne tombent aux mains des rebelles islamistes radicaux ayant renversé Bachar al-Assad.
- Européens dans l'expectative -
Si les Européens se félicitent de la chute de Bachar al-Assad, ils restent circonspects sur le gouvernement que pourrait former la coalition de rebelles menée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) de Abou Mohammad al-Jolani, victorieuse.
Ancienne branche d'al-Qaïda en Syrie, organisation avec laquelle elle a rompu en 2016, HTS est en effet toujours classée par les chancelleries occidentales comme un groupe "terroriste".
A l'unisson, les Européens disent attendre des preuves d'inclusion des minorités.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.