Lundi 21 juin 2021 à 14h12
Ankara, 21 juin 2021 (AFP) — La plus haute cour de Turquie a accepté lundi d'ouvrir un procès pour examiner une demande d'interdiction du principal parti prokurde d'opposition, à deux ans d'élections qui s'annoncent difficiles pour le président Recep Tayyip Erdogan.
Un procureur avait saisi la Cour constitutionnelle pour demander la fermeture du Parti démocratique des peuples (HDP), troisième force politique au Parlement, arguant qu'il a des liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe qualifié de "terroriste" par Ankara.
Selon l'agence de presse étatique Anadolu, la Cour constitutionnelle, qui avait rejeté en mars un premier acte d'accusation pour un "vice de procédure", a décidé lundi d'accepter la nouvelle requête du procureur.
Un procès, dont la date n'a pas été annoncée dans l'immédiat, doit s'ouvrir prochainement. Pour qu'une interdiction du HDP soit prononcée, il faut que 10 des 15 juges de la Cour constitutionnelle votent en ce sens.
"Ce procès a été ouvert à la suite d'une campagne politique. Le gouvernement et ses partisans ont désigné le HDP comme cible et proféré des menaces pendant des mois", a réagi un coprésident du parti, Mithat Sancar.
"Chacun doit se rendre compte que le procureur de ce procès, c'est le gouvernement lui-même", a-t-il ajouté, affirmant que le HDP était déterminé à se défendre "jusqu'au bout" pour empêcher "une régression de la démocratie".
- Répression implacable -
Au moment où Ankara cherche à apaiser ses relations avec l'Occident, cette procédure a suscité l'inquiétude de pays européens et d'ONG qui y voient un signe supplémentaire de l'érosion de l'Etat de droit sous M. Erdogan.
Bête noire du président turc, le HDP fait l'objet d'une répression implacable depuis 2016, année où son charismatique chef de file, Selahattin Demirtas, a été emprisonné en dépit des protestations européennes.
M. Erdogan accuse régulièrement le HDP d'être la "vitrine politique" du PKK, une organisation qui livre une guérilla sanglante contre l'Etat turc depuis 1984 dans le sud-est du pays.
Des observateurs attribuent en partie la répression visant le HDP à l'alliance entre M. Erdogan et le parti ultranationaliste MHP qui est particulièrement virulent contre les formations politiques prokurdes.
Le chef du MHP, Devlet Bahçeli, a plusieurs fois appelé publiquement à interdire le HDP ces derniers mois.
Outre l'interdiction du parti, le procureur ayant saisi la Cour constitutionnelle a réclamé la saisie de ses avoirs et l'exclusion de 451 de ses membres de toute activité politique, une mesure destinée à empêcher le HDP de renaître sous une nouvelle étiquette.
Le HDP, qui rejette tout lien avec le "terrorisme", a qualifié la procédure le visant de "putsch politique" et accuse M. Erdogan, dont la popularité s'érode sur fond de crise économique, de vouloir l'écarter de la prochaine élection présidentielle en 2023.
Dans ce contexte explosif, une employée du HDP a été tuée jeudi par un homme armé qui a attaqué les bureaux du parti à Izmir (ouest).
Le HDP a accusé le président turc et son gouvernement d'être les "instigateurs de cette attaque brutale" en raison de leur violente rhétorique.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.