Dimanche 23 mars 2025 à 13h50
Istanbul, 23 mars 2025 (AFP) — La justice a ordonné dimanche le placement en détention pour "corruption" du maire d'opposition d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, et de plusieurs dizaines de co-accusés.
Voici ce que l'on sait de cette procédure dénoncée comme un "coup d'Etat politique" par le parti du maire, le CHP, première force d'opposition au président Recep Tayyip Erdogan.
- Qui est Ekrem Imamoglu?
Le maire d'Istanbul élu en 2019 à la mairie d'Istanbul et réélu triomphalement l'an dernier fait figure d'opposant numéro 1 au président Erdogan.
En ravissant la plus grande ville de Turquie (près de 16 millions d'habitants) et la plus riche, l'édile de 53 ans est devenu l'homme à abattre pour le parti AKP au pouvoir et le chef de l'Etat.
- Que lui reproche la justice?
Le maire a été arrêté mercredi à l'aube pour "corruption" et "soutien à une organisation terroriste" en raison d'un accord électoral entre son parti et une formation prokurde que les autorités accusent de liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), groupe armé qualifié de terroriste par Ankara.
L'ordonnance de placement en détention provisoire dont l'AFP a obtenu copie dimanche stipule que "le suspect Ekrem Imamoglu est placé en détention pour avoir établi et dirigé une organisation criminelle; accepté des pots-de-vin; corruption; enregistrement illégal de données personnelles et trucage d'appels d'offres".
En revanche, poursuit-elle, "bien qu'il existe un fort soupçon de culpabilité pour le crime de soutien à une organisation terroriste armée (...), il n'est pas nécessaire à ce stade" d'ordonner sa détention dans ce volet "puisqu'il a déjà été décidé de l'incarcérer pour des crimes financiers".
- Le CHP dans le viseur
Outre le maire d'Istanbul, quelque 90 personnes ont été arrêtées mercredi, dont deux maires d'arrondissements de la mégapole turque visés dimanche par des ordres de détention pour "corruption" et "terrorisme".
Les deux élus sont membres du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate et laïc), fondé par Mustafa Kemal, le père de la République turque, qui dispose de 134 sièges de députés au Parlement, contre 272 pour l'AKP.
Lors d'élections locales en mars 2024, le parti a conquis 35 des 81 capitales provinciales, onze de plus que l'AKP, conservant ou l'emportant dans la plupart des grandes villes comme Ankara, la capitale, Izmir, Antalya et la grande ville industrielle de Bursa.
- Un contexte particulier
Ekrem Imamoglu devait être investi dimanche candidat de son parti à la prochaine élection présidentielle, prévue en 2028, lors d'une primaire pour laquelle il était seul en lice.
Dès mardi, quelques heures avant son arrestation, l'annulation de son diplôme avait déjà dressé un obstacle sur sa route, la Constitution turque exigeant que tout candidat à la présidence justifie d'un diplôme d'enseignement supérieur.
En 2023, M. Imamoglu avait déjà été empêché de se présenter en raison d'une condamnation à plus de deux de prison pour "insulte" aux membres du Haut comité électoral turc, dont il a fait appel.
Le CHP a décidé de maintenir dimanche sa primaire et a appelé tous les Turcs, même non inscrits au parti, à y prendre part en espérant transformer cette consultation en plébiscite.
- Une contestation inédite depuis 2013
L'arrestation du maire d'Istanbul suscite depuis mercredi une contestation inédite en Turquie depuis le grand mouvement de contestation de Gezi, en 2013, parti de la place Taksim d'Istanbul.
Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues d'Istanbul vendredi soir et samedi soir, et d'importantes manifestations ont eu lieu à Ankara et Izmir notamment.
Au total, des rassemblements ont eu lieu cette semaine dans au moins 55 des 81 provinces turques, soit plus des deux tiers du pays, selon un décompte de l'AFP.
Cette mobilisation, portée par la jeunesse, dépasse largement le sort d'Ekrem Imamoglu, constatent les observateurs.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.