Jeudi 18 janvier 2024 à 02h21
Islamabad, 18 jan 2024 (AFP) — Le Pakistan a accusé mercredi Téhéran d'une frappe aérienne ayant tué deux enfants sur son territoire, après des raids similaires effectués en Irak et en Syrie par l'Iran contre ce qu'il a qualifié de "groupes terroristes anti-iraniens".
Islamabad a jugé "totalement inacceptable" et injustifiée l'attaque, survenue mardi soir près de la frontière que partagent les deux pays.
L'agence de presse iranienne Mehr a précisé que cette "riposte par missile et par drone" avait visé le quartier général au Pakistan du groupe jihadiste Jaish al-Adl (Armée de la Justice en arabe), en réponse à une "agression contre la sécurité" de l'Iran.
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a insisté sur le fait que les forces armées de la République islamique avaient pris pour cible le "groupe terroriste iranien" Jaish al-Adl au Pakistan.
"Aucun des ressortissants du pays ami et frère qu'est le Pakistan n'a été pris pour cible par les missiles et les drones iraniens", a déclaré le ministre iranien en marge du Forum économique mondial de Davos, en Suisse.
- "Groupe terroriste" -
Le ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré que M. Amir-Abdollahian s'était entretenu avec son homologue pakistanais Jalil Abbas Jilani mercredi.
M. Amir-Abdollahian a déclaré que "Jaish al-Adl est un groupe terroriste qui agit contre la sécurité commune des deux pays", selon un résumé de la conversation diffusé par Téhéran.
Jaish al-Adl, formé en 2012, a mené plusieurs attaques sur le sol iranien ces dernières années.
Le vice-président iranien pour les Affaires parlementaires, Mohammad Hosseini, a jugé mercredi "naturel" que son pays ait réagi après avoir demandé sans succès au Pakistan d'"empêcher l'entrée en Iran de gens qui tuent un grand nombre de personnes".
"Nous ne fixons pas de limites à la défense de nos intérêts nationaux et à celle de notre peuple", a quant à lui déclaré le ministre iranien de la Défense, Mohammad Reza Ashtiani.
Mardi, l'Iran avait procédé à des tirs de missiles sur ce qu'il a qualifié de quartiers généraux d'"espions" et de cibles "terroristes" en Syrie et au Kurdistan irakien autonome.
Ces frappes iraniennes surviennent au moment où le Proche-Orient est secoué par la guerre qui oppose le mouvement islamiste palestinien Hamas à Israël dans la bande de Gaza et les attaques des rebelles Houthis du Yémen soutenus par l'Iran contre des navires de commerce en mer Rouge.
Les Etats-Unis ont condamné ces frappes iraniennes, le porte-parole du département d'Etat, Matthew Miller, dénonçant le fait que Téhéran ait "violé les frontières souveraines de ses voisins au cours des derniers jours".
Le communiqué d'Islamabad ne précise pas où la frappe iranienne a eu lieu. Selon des médias pakistanais, elle s'est produite près de Panjgur, dans le sud-ouest de la province du Baloutchistan (ouest), où Pakistan et Iran partagent une frontière d'un millier de kilomètres.
La Chine, qui entretient des liens privilégiés avec ces deux pays, les a appelés à la "retenue" et à "éviter des actions qui pourraient exacerber les tensions".
Quelques heures avant cette attaque, le Premier ministre par intérim du Pakistan Anwar-ul-Haq Kakar avait rencontré le chef de la diplomatie iranienne, Hossein Amir-Abdollahian, en marge du Forum de Davos (Suisse).
"Cette violation de la souveraineté du Pakistan est totalement inacceptable et peut avoir de sérieuses conséquences", a averti le ministère pakistanais des Affaires étrangères dans un communiqué.
La frappe en territoire pakistanais mardi soir a "provoqué la mort de deux enfants innocents et trois fillettes ont été blessées", selon la même source.
- Représentant iranien convoqué -
Le Pakistan a dit avoir convoqué le représentant de l'Iran à Islamabad pour protester contre "une violation injustifiée de son espace aérien" et avoir rappelé son ambassadeur en poste à Téhéran.
En décembre, Jaish-al-Adl avait revendiqué l'attaque d'un commissariat de police de Rask dans la province du Sistan-Baloutchistan, dans laquelle 11 agents de police iraniens avaient été tués.
Les Etats-Unis, qui considèrent Jaish al-Adl comme une organisation terroriste, soutiennent que ce groupe "cible en premier lieu des membres des forces de sécurité iraniennes" mais également des responsables gouvernementaux et des civils par des assassinats, des enlèvements et des attentats-suicides.
Iran et Pakistan s'accusent fréquemment de permettre à des groupes rebelles d'opérer à partir du territoire de l'autre pour lancer des attaques mais il est rare que les forces officielles de l'un ou l'autre de ces pays s'engagent.
"Ce qui est d'autant plus préoccupant, c'est que cet acte illégal a eu lieu malgré l'existence de plusieurs canaux de communication entre le Pakistan et l'Iran", a déclaré la diplomatie pakistanaise.
Pour Michael Kugelman, le directeur de l'Institut d'Asie du Sud au Wilson Center de Washington, "cela précipite les relations pakistano-iraniennes (...) dans une crise grave".
"L'Iran a organisé par le passé des opérations transfrontalières contre des militants basés au Pakistan mais je ne me souviens de rien de cette ampleur", a-t-il écrit sur X.
- "Acte clair d'agression" -
Mardi, l'Irak avait rappelé son ambassadeur à Téhéran et dénoncé "un acte clair d'agression" sur la région du Kurdistan autonome, où quatre personnes ont été tuées et six autres blessées dans un raid, d'après les autorités locales.
Bagdad a contesté les propos de Téhéran, selon qui les frappes ont ciblé les services de renseignement israéliens en représailles aux assassinats par Israël de commandants iraniens et alliés.
L'Irak a déclaré qu'il porterait plainte auprès du Conseil de sécurité de l'ONU à propos de cette "attaque contre sa souveraineté".
L'Iran a fait du soutien à la cause palestinienne un élément central de sa politique étrangère depuis sa révolution islamique de 1979 et a qualifié de "succès" l'attaque meurtrière du 7 octobre perpétrée en Israël par le Hamas, niant toutefois toute implication directe.
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Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.