Jeudi 18 janvier 2024 à 13h55
Téhéran, 18 jan 2024 (AFP) — L'Iran a protesté jeudi contre des frappes menées par le Pakistan contre "des caches terroristes" dans le sud-est du pays, qui ont fait neuf morts, deux jours après une attaque similaire lancée par Téhéran sur le territoire de son voisin pakistanais.
L'Iran et le Pakistan, seul pays musulman doté de l'arme nucléaire, sont confrontés depuis des décennies à des insurrections larvées, le long de leur frontière commune, longue d'un millier de km.
Ces attaques réciproques surviennent au moment où le Proche-Orient est secoué par la guerre qui oppose le mouvement islamiste palestinien Hamas à Israël dans la bande de Gaza, et les attaques des rebelles Houthis du Yémen, soutenus par l'Iran, contre des navires de commerce en mer Rouge.
Cette brusque montée de tension provoque "la vive inquiétude" de l'Union européenne tandis que la Russie a appelé à "la plus grande retenue" et que la Chine, qui entretient des liens privilégiés avec Islamabad et Téhéran, s'est dite prête "à jouer un rôle constructif pour apaiser la situation".
Avant l'aube, l'armée pakistanaise a frappé "avec des drones trois zones résidentielles proches de la frontière, détruisant quatre maisons", a indiqué le vice-gouverneur de la province iranienne du Sistan-Baloutchistan, Alireza Marhamati.
Les neuf personnes tuées, essentiellement des enfants et des femmes, sont toutes de nationalité pakistanaise, a-t-il ajouté, cité par l'agence officielle Irna.
Islamabad a affirmé avoir mené une "série de frappes de précisions, hautement coordonnées et spécifiquement ciblées, contre des caches terroristes dans la province du Sistan-Balouchistan".
"La mesure (...) a été prise au vu de renseignements crédibles sur d'imminentes activités terroristes à une large échelle", a expliqué le ministère des Affaires étrangères, affirmant qu'un "certain nombre de terroristes" avaient été tués.
- "Inacceptable" -
A Téhéran, le chargé d'affaires pakistanais a été convoqué au ministère des Affaires étrangères pour "officiellement notifier la protestation et demander des explications au gouvernement pakistanais", selon le porte-parole de la diplomatie, Nasser Kanani.
Islamabad avait plus vivement réagi en qualifiant mercredi de "totalement inacceptable" la frappe aérienne menée mardi soir par l'Iran contre des "cibles terroristes" au Pakistan, qui avait causé la mort de deux enfants.
En réponse, le Pakistan, qui s'apprête à tenir des élections générales le 8 février, a rappelé son ambassadeur en Iran et décidé d'empêcher le retour de l'ambassadeur iranien, qui est actuellement dans son pays. Son Premier ministre par intérim, Anwar-ul-Haq Kakar, a également décidé jeudi d'abréger son déplacement au Forum de Davos (Suisse) "au vu des développements actuels".
Iran et Pakistan s'accusent fréquemment de permettre à des groupes rebelles d'opérer à partir de leurs territoires respectifs pour lancer des attaques, mais il est rare que les forces de l'un ou l'autre de ces pays soient impliquées.
Comme l'Iran l'avait fait mercredi, le Pakistan a déclaré jeudi "respecter "complètement la souveraineté et l'intégrité territoriale" de son voisin.
Selon des médias pakistanais, l'attaque iranienne s'était produite près de Panjgur, dans le sud-ouest du Baloutchistan (Ouest).
Menée "par missile et par drone", elle a visé le quartier général au Pakistan du groupe jihadiste Jaish al-Adl (Armée de la Justice en arabe), en réponse à une "agression contre la sécurité" de l'Iran, selon l'agence de presse iranienne Mehr.
- "Groupe terroriste" -
Jaish al-Adl, formé en 2012, a mené plusieurs attaques sur le sol iranien ces dernières années. Le groupe est considéré comme une "organisation terroriste" par les Etats-Unis.
En décembre, Jaish-al-Adl avait revendiqué l'attaque d'un commissariat de police de la ville de Rask au Sistan-Baloutchistan, dans laquelle 11 agents de police iraniens avaient été tués.
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, avait insisté mercredi sur le fait que "Jaish al-Adl est un groupe terroriste qui agit contre la sécurité commune des deux pays".
Mardi, l'Iran avait aussi procédé à des tirs de missiles sur ce qu'il a qualifié de quartiers généraux d'"espions" et de cibles "terroristes" en Syrie et au Kurdistan irakien autonome.
Les Etats-Unis ont condamné ces frappes iraniennes, le porte-parole du département d'Etat, Matthew Miller, dénonçant le fait que Téhéran ait "violé les frontières souveraines de ses voisins au cours des derniers jours".
Le Pakistan, l'Iran et un peu l'Afghanistan abritent quelque 10 millions de Baloutches, qui sont majoritairement des musulmans sunnites et se plaignent d'être marginalisés et spoliés des ressources naturelles.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.