Vendredi 4 novembre 2022 à 15h11
Paris, 4 nov 2022 (AFP) — Le président iranien Ebrahim Raïssi s'est moqué vendredi des propos du dirigeant américain Jo Biden promettant de "libérer" l'Iran, où le pouvoir fait face à des protestations depuis sept semaines.
Les manifestations ont été déclenchées par la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne arrêtée trois jours auparavant par la police des moeurs qui lui reprochait d'avoir enfreint le code vestimentaire strict imposant le port du voile en public.
Au fur et à mesure, ces manifestations en faveur de la liberté des femmes se sont transformées en contestation contre le pouvoir qui les considère comme des "émeutes".
La répression des protestations a fait depuis le 16 septembre au moins 176 morts, selon l'ONG Iran Human Rights (IHR) basée en Norvège. Et des milliers de personnes ont été arrêtées, dont des journalistes, des avocats, des militants et des célébrités, d'après des ONG.
"Ne vous inquiétez pas, nous allons libérer l'Iran. (Les Iraniens) vont se libérer eux-mêmes très bientôt", a lancé jeudi M. Biden en référence aux manifestants.
"Le président américain, qui est distrait, a dit vouloir libérer l'Iran. Mais je dois vous rappeler que l'Iran s'est libéré il y a 43 ans et ne se soumettra plus à vous", a rétorqué M. Raïssi devant des milliers d'Iraniens rassemblés à Téhéran pour marquer l'anniversaire de la prise d'otages à l'ambassade des Etats-Unis le 4 novembre 1979 par des partisans de la Révolution islamique.
Ces derniers exigeaient l'extradition de l'ex-chah, soigné aux Etats-Unis: 52 diplomates et employés ont été retenus en otage pendant 444 jours. Cinq mois plus tard, Washington a rompu ses relations avec Téhéran et imposé un embargo à l'Iran.
"Mort à l'Amérique, Mort à Israël, Mort à la Grande-Bretagne!", a scandé la foule. "Nous obéissons au guide suprême" Ali Khamenei, peut-on lire sur des pancartes.
Selon la télévision d'Etat, des manifestations similaires ont été organisées dans d'autres villes, notamment à Machhad (nord-est), Ispahan (centre) et Chiraz (sud).
- "Desseins sataniques" -
"Nous ne vous permettrons jamais de réaliser vos desseins sataniques", a encore dit M. Raïssi à l'adresse des Etats-Unis, l'ennemi juré de l'Iran, accusés par le pouvoir iranien d'encourager le mouvement de contestation.
Selon l'agence officielle Irna, plusieurs policiers ont été blessés vendredi par des pierres lancées par des manifestants à Khash, près de Zahedan (sud-est), à la sortie de la prière de la mosquée.
Les manifestants ont également incendié un poste de police en préfabriqué et scandé des slogans anti-gouvernementaux. Une vidéo diffusé par l'agence iranienne Tasnim montre des banques et des voitures incendiées.
En Iran, les funérailles et cérémonies de deuil, organisées selon la tradition au 40e jour suivant un décès, sont désormais l'occasion de rassemblements antipouvoir.
D'après l'IHR, une foule a participé jeudi à Karaj, près de Téhéran, à une cérémonie pour le 40e jour du décès de Hadis Najafi, une manifestante de 22 ans tuée, selon des militants, par des policiers en septembre.
Selon le média en ligne 1500tasvir, les forces de sécurité ont tiré sur les manifestants à Karaj. Une vidéo du même média a montré des protestataires jetant des pierres sur un véhicule de la police et d'autres incendiant des poubelles et un commissariat.
Un membre du Bassidj, milice paramilitaire, a été tué et dix policiers ont été blessés dans ces affrontements, d'après l'agence de presse officielle Irna.
- "Radicalisation" -
"L'Iran est responsable de la radicalisation des manifestations (...)", a déclaré à l'AFP Saeid Golkar, professeur adjoint à l'Université du Tennessee à Chattanooga. "Les gens ne font que réagir à la répression brutale de l'Etat."
D'après l'organisation de défense des droits humains Hengaw basée en Norvège, les forces de sécurité ont arrêté dimanche à Téhéran une nouvelle journaliste, Nazila Maroufian, auteure d'une interview avec le père de Mahsa Amini. Elle a été interpellée dans la maison de proches et transférée à la prison d'Evine, a précisé l'ONG.
Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé à New York, 54 journalistes ont été arrêtés depuis le 16 septembre en Iran, dont une dizaine ont été libérés sous caution.
Les ministres des Affaires étrangères du G7 réunis en Allemagne ont exprimé vendredi leur soutien aux manifestations en Iran et dénoncé la répression "brutale" et l'activité "déstabilisatrice" du pouvoir iranien dans le monde.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.