Jeudi 15 decembre 2022 à 16h21
Paris, 15 déc 2022 (AFP) — Le génocide, définition retenue jeudi par le Parlement européen pour la famine en Ukraine provoquée il y a 90 ans par le régime stalinien, est une notion entrée dans le droit international après la Shoah.
Avant le Parlement européen et le Bundestag allemand fin novembre, près d'une vingtaine de parlements dans le monde, selon Kiev, avaient reconnu comme génocide l'"Holodomor" (extermination par la faim en Ukrainien) qui a fait en 1932 et 1933 environ 3,5 millions de victimes.
La Russie rejette cette classification, arguant que cette grande famine n'a pas seulement fait des victimes ukrainiennes, mais aussi russes, kazakhes, et parmi d'autres peuples.
- Une notion juridique -
Le mot génocide a été employé pour la première fois dans un cadre juridique lors de la mise en accusation des responsables nazis dans le procès de Nuremberg en 1945.
L'extermination des Juifs mise en oeuvre par les nazis en Europe en 1939-45 a fait six millions de morts. Des tziganes et des homosexuels ont aussi été déportés.
En droit international, le génocide est reconnu depuis 1948 par la convention des Nations unies, qui énumère une série de crimes le constituant, dont le meurtre commis "avec l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux".
- La Namibie, premier génocide -
L'Allemagne a reconnu en mai 2021 avoir commis "un génocide" en Namibie pendant l'ère coloniale.
Des historiens considéraient déjà le massacre de dizaines de milliers de Herero et de Nama entre 1904 et 1908 comme le premier génocide du 20e siècle.
- L'Arménie -
L'Arménie qualifie de génocide le massacre de 1,5 million d'Arméniens par les troupes de l'empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale.
Plus de vingt pays et de nombreux historiens reconnaissent le génocide arménien.
La Turquie, issue du démantèlement de l'empire ottoman en 1920, reconnaît des massacres mais récuse le terme de génocide, évoquant une guerre civile en Anatolie, doublée d'une famine, dans laquelle 300.000 à 500.000 Arméniens et autant de Turcs sont morts.
- Cambodge -
Sous les Khmers rouges (avril 1975-janvier 1979), quelque deux millions de Cambodgiens sont morts d'épuisement, famine, maladie ou à la suite de tortures et d'exécutions.
Nuon Chea, idéologue du régime, et Khieu Samphan, chef de l'Etat khmer rouge, ont été condamnés pour génocide par un tribunal soutenu par l'ONU.
- Les Tutsi au Rwanda -
Le génocide commis en 1994 au Rwanda, à l'instigation du régime extrémiste hutu alors au pouvoir, a fait plus de 800.000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi, mais aussi chez les Hutu modérés, selon l'ONU.
Paris, qui a mis en place, avec le feu vert de l'ONU, l'opération militaro-humanitaire "Turquoise", a été accusé par le Front patriotique rwandais (FPR) de protéger les génocidaires.
Le président Emmanuel Macron a reconnu en 2021 les "responsabilités" de la France.
De nombreux Rwandais ont été condamnés par la justice de leur pays, la justice internationale ou celle de pays occidentaux.
- Srebrenica -
Le massacre de Srebrenica (est de la Bosnie), lors duquel près de 8.000 hommes et adolescents musulmans ont été assassinés en 1995 par les Serbes de Bosnie, a été reconnu en 2007 comme génocide par la Cour internationale de justice (CIJ).
Les ex-chefs politique et militaire, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, ont été condamnés à la prison à vie par la justice internationale.
- Soudan -
En 2021, le Soudan a annoncé son intention de remettre à la Cour pénale internationale (CPI) son ex-président Omar el-Béchir, recherché pour "génocide" au Darfour, où un conflit débuté en 2003 a fait plus de 300.000 morts.
- Les Yazidis en Irak -
En 2014, les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) se sont livrés, selon l'ONU, en Irak à un potentiel génocide des Yazidis, une minorité ethnoreligieuse kurdophone.
Fin 2021, la justice allemande a condamné un jihadiste irakien pour "génocide" des Yazidis, une première mondiale.
- Les Rohingyas en Birmanie
En 2017, environ 750.000 Rohingyas ont fui une brutale offensive, lancée par l'armée en Birmanie, s'exilant au Bangladesh, où se trouvaient déjà plus de 100.000 réfugiés, victimes de précédentes violences.
La Birmanie a été accusée de "génocide" devant la CIJ. La CPI a également ouvert une enquête.
En 2022, Washington a reconnu que des Rohingyas avaient été victimes d'un "génocide".
- Les Ouïghours en Chine
Des études occidentales accusent Pékin d'avoir interné plus d'un million de Ouïghours et d'autres minorités turcophones dans des "camps de rééducation" dans le Xinjiang (nord-ouest), voire de leur imposer du "travail forcé" ou des "stérilisations forcées".
Washington et plusieurs pays évoquent un "génocide", ce que Pékin dément, affirmant qu'il s'agit de centres de formation professionnelle destinés à combattre l'extrémisme religieux et assurer la stabilité sociale.
Dans un rapport fin août, l'ONU a évoqué de possibles "crimes contre l'humanité", sans mentionner le terme de génocide.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.