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Les rebelles "aux portes" de la ville-clé de Hama, l'armée syrienne envoie des renforts


Mercredi 4 decembre 2024 à 01h35

Beyrouth (Liban), 4 déc 2024 (AFP) — Les rebelles qui mènent une offensive dans le nord de la Syrie sont arrivés mardi "aux portes" de Hama, la quatrième ville du pays, selon une ONG, où des combats les opposaient à l'armée, appuyée par l'aviation russe et par d'importants renforts.

L'armée a fait état de "combats féroces", en particulier dans le nord de la province de Hama, tandis que "d'importants renforts" sont arrivés dans la ville, selon une source militaire citée par l'agence officielle Sana.

Des nuages de fumée noire se sont élevés de la ville de Souran, à une vingtaine de kilomètres au nord de Hama, où des images de l'AFP ont montré des civils fuyant, entassés dans des camions et des remorques, pendant que des combattants rebelles, brandissant leurs armes, patrouillaient à bord de pick-up.

A Halfaya, une localité voisine, des rebelles tiraient au lance-roquettes. D'autres, à mobylette, faisaient le V de la victoire en passant près des chars abandonnés par l'armée syrienne.

- "Importante vague de déplacements" -

L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a déclaré mardi soir que les rebelles étaient arrivés "aux portes" de Hama, une ville stratégique du centre du pays située entre Alep et la capitale Damas, et avaient bombardé certains quartiers.

Selon l'OSDH, une ONG basée au Royaume-Uni qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie, les combats aux abords de Hama ont provoqué "une importante vague de déplacements".

Ces combats, qui ont fait 602 morts en une semaine, dont 104 civils, selon l'OSDH, sont les premiers de cette ampleur depuis 2020 dans ce pays meurtri par la guerre civile.

En date de samedi, plus de 48.500 personnes avaient été déplacées dans les régions d'Alep et celle, voisine, d'Idleb, dont plus de la moitié d'enfants, selon le bureau des Affaires humanitaires de l'ONU (Ocha).

Une coalition de rebelles dominée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, a lancé le 27 novembre une offensive fulgurante dans le nord-ouest de la Syrie, s'emparant de dizaines de localités et d'une grande partie d'Alep, la deuxième ville du pays, avant de poursuivre sa progression vers le sud.

"Nous progressons vers Hama après avoir nettoyé" les localités qui y mènent, a affirmé mardi à l'AFP un combattant rebelle, se présentant comme Abou al-Hadwa al-Sourani.

L'armée syrienne, qui n'avait pas opposé de résistance significative à Alep, a annoncé mardi qu'elle frappait "des organisations terroristes, leurs positions et leurs bases" dans la région de Hama et dans la province d'Idleb, plus au nord, avec le soutien aérien syrien et russe.

Le président russe Vladimir Poutine, dont le pays est avec l'Iran le principal allié de Damas, a déclaré mardi qu'il souhaitait une fin "rapide" de l'offensive rebelle, lors d'une conversation téléphonique avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan.

Mardi soir, l'ambassadeur russe à l'ONU Vassili Nebenzia a accusé l'Ukraine de soutenir militairement les combattants du HTS, évoquant une "coopération entre les terroristes ukrainiens et syriens motivés par la haine contre la Syrie et la Russie".

L'Iran, un autre allié du régime du président Bachar al-Assad, s'est dit prêt à "étudier" tout envoi de troupes en Syrie si ce pays en faisait la demande.

Pour la première fois depuis le début de la guerre civile en 2011, le régime a perdu totalement le contrôle d'Alep, une ville d'environ deux millions d'habitants, prise par les rebelles à l'exception de ses quartiers nord kurdes.

- "La terreur" -

A Idleb, que des avions syriens et russes ont bombardée en riposte à l'offensive, des images de l'AFP ont montré des secouristes fouillant les décombres d'immeubles rasés.

"Je ne peux décrire (...) la terreur que nous avons ressentie", a témoigné Hussein Ahmad Khodr, un enseignant.

A Alep, où patrouillaient des rebelles armés, des habitants faisaient la queue pour recevoir du pain distribué par une association, alors que selon le Norwegian Refugee Council (NRC), les boulangeries et commerces d'alimentation sont fermés.

Joint au téléphone par l'AFP, Nazih Yristian, 60 ans, s'est cloîtré chez lui avec sa femme, dans le quartier arménien.

"Personne ne nous a attaqués jusqu'à présent, mais nous voulons partir jusqu'à ce que les choses se calment", a expliqué cet homme selon qui la sortie de la ville a été coupée.

L'ONU a fait état mardi "de nombreuses victimes civiles, dont un grand nombre de femmes et d'enfants" dans des attaques des deux camps et de la destruction d'établissements de santé, d'écoles et de marchés.

Les hôpitaux d'Alep, dont moins de huit continuent à fonctionner, sont débordés, a affirmé l'Organisation mondiale de la santé.

Selon le NRC, le réseau de distribution d'eau a été endommagé.

Les Etats-Unis, à la tête d'une coalition internationale antijihadistes en Syrie, ont exhorté lundi "tous les pays" à oeuvrer pour une "désescalade", de même que l'Union européenne qui a "condamné" les frappes russes "sur des zones densément peuplées".

Hostile au régime syrien, le Qatar a jugé mardi que l'action militaire ne pourrait pas résoudre la crise et indiqué fournir de l'aide humanitaire aux Syriens en coordination avec la Turquie, un allié majeur des rebelles.

Bachar al-Assad, a dénoncé lundi une tentative de "redessiner la carte régionale".

La Syrie a été morcelée par la guerre civile en plusieurs zones d'influence, où les belligérants sont soutenus par différentes puissances étrangères.

Avec l'appui militaire de la Russie, de l'Iran et du mouvement libanais pro-iranien Hezbollah, le régime avait repris en 2015 une grande partie du pays et en 2016 la totalité d'Alep, dont la partie est avait été prise en 2012 par les rebelles.

Un cessez-le-feu instauré en 2020, parrainé par Ankara et Moscou, avait ramené un calme précaire dans le nord-ouest.

La guerre civile en Syrie, déclenchée avec la répression brutale de manifestations prodémocratie, a fait environ un demi-million de morts.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.