Vendredi 28 mars 2008 à 10h01
MONTS QANDIL (Irak), 28 mars 2008 (AFP) — Les séparatistes Kurdes du PKK ont mis en garde Ankara contre des "développements incontrôlés" et ont menacé de "riposter" après les violences ayant marqué les récentes célébrations du Newroz (nouvel an kurde) dans le sud-est de la Turquie.
"L'Etat turc doit entendre le message de liberté du peuple kurde, et cesser immédiatement ses violences contre les civils", a déclaré le numéro deux du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), Bozan Tekine, dans un entretien exclusif avec l'AFP.
"Dans le cas contraire, nous ne pourrons pas être tenus pour responsables de ce qui se passera", a mis en garde M. Tekine.
L'interview a été réalisée jeudi dans un petit village anonyme des Monts Qandil, hautes montagnes sous contrôle du PKK au Kurdistan irakien (nord-est de l'Irak), aux confins des frontières irakiennes, turques et iraniennes.
"Il y aura des réactions incontrôlées, l'Etat turc et le parti au pouvoir porteront la responsabilité de ces nouveaux développements", souligne-t-il. Et si "l'Etat turc ne cesse pas ses violences contre des civils, le PKK ripostera", a menacé le chef rebelle.
Deux personnes ont été tuées et des dizaines blessées depuis une semaine lors de la répression de manifestations pro-kurdes dans le sud-est de la Turquie, à l'occasion des festivités du Newroz (21 mars).
"Le peuple kurde a une nouvelle fois démontré son soutien au PKK et à son leader Abdullah Ocalan (fondateur du PKK, emprisonné en Turquie)", a estimé ce leader du mouvement séparatiste, l'un des vice-présidents du PKK et adjoint de Mourad Qarilan.
Le PKK, qui combat depuis 1984 les forces turques et affirme disposer de 8 à 10.000 combattants, est considéré comme une organisation terroriste par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union européenne.
"Le PKK a annoncé à cinq reprises un cessez-le-feu unilatéral. Mi-mars, nous avons déclaré être prêts à résoudre la question kurde par le dialogue", a rappelé M. Tekine: "A chaque fois, la Turquie a répondu à ces initiatives par la violence. Qui sont les terroristes?".
"La répression des manifestations de Newroz prouvent que l'Etat turc pratique toujours sa politique d'assimilation forcée et de négations de nos droits", a-t-il dénoncé.
Les récentes incursions de l'armée turque au Kurdistan irakien, "malgré le soutien des Etats-Unis, se sont soldées par des échecs cuisants", a assuré par ailleurs le responsable rebelle.
L'armée turque a ainsi "reçu une sévère leçon", selon lui, lors de sa dernière incursion du 21 au 29 février dans la zone de Zap. 127 soldats turcs ont été tués, pour 9 membres de la guérilla, selon le bilan du PKK. Ankara affirme de son côté avoir tué 240 rebelles lors de cette dernière offensive.
"Si les militaires turcs avaient pu pénétrer plus profondément en territoire kurde irakien, ils l'auraient fait, ce qui est la démonstration de leur échec", d'après M. Tekine, qui précise que l'armée turque "conserve aujourd'hui neuf positions en territoire kurde irakien".
Le soutien américain à Ankara, en particulier en renseignements, n'a eu que peu d'impact sur les opérations de la guérilla, affirme-t-il. "Nous prenons ces menaces en considération et nous avons pris les mesures nécessaires".
Le responsable du PKK a critiqué également "l'embargo imposé sous la pression internationale" aux zones de la guérilla dans l'extrême nord de l'Irak, où les autorités kurdes irakiennes ont renforcé leur contrôle, a-t-on constaté.
Mais là encore, "le PKK a une grande capacité de réaction. Il n'est pas vraiment gêné et s'est adapté à cette situation", assure M. Tekine, qui souhaite que les Kurdes irakiens "voient leur véritable intérêt et adoptent une meilleure approche politique".
"Avec le printemps, nous nous attendons à une intensification des opérations de l'armée turque", prévoit M. Tekine. "Mais nous y sommes préparés, et nous sommes aujourd'hui plus fort que jamais".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.