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Manifestations: l'Iran s'en prend aux célébrités et aux journalistes


Jeudi 29 septembre 2022 à 16h03

Paris, 29 sept 2022 (AFP) — L'Iran a intensifié jeudi la pression sur les célébrités et les journalistes à la suite de la vague de manifestations déclenchées dans le pays par la mort de Mahsa Amini quelques jours après l'arrestation de la jeune femme par la police des moeurs.

Des cinéastes, des athlètes, des musiciens et des acteurs ont soutenu les manifestations, y compris l'équipe nationale de football dont les joueurs ont porté des survêtements noirs pendant les hymnes interprétés avant un match à Vienne contre le Sénégal.

"Nous allons nous en prendre aux célébrités qui ont soufflé sur les braises" des "émeutes", a déclaré le gouverneur de la province de Téhéran, Mohsen Mansouri, cité jeudi par l'agence de presse ISNA.

Le mouvement de contestation, le plus important depuis 2019, a été déclenché par la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, trois jours après son arrestation par la police des moeurs.

Il lui était reproché d'avoir enfreint le strict code vestimentaire de l'Iran qui oblige notamment toutes les femmes à porter le voile islamique.

- Ligne rouge -

Le chef de la justice iranienne, Gholamhossein Mohseni Ejei, s'en est lui aussi pris aux célébrités: "Ceux qui sont devenus célèbres grâce au soutien du système, pendant les jours difficiles, ont rejoint l'ennemi au lieu d'être avec le peuple. Tous doivent savoir qu'ils doivent rembourser les dommages matériels et spirituels causés au peuple et au pays", avait-il dit.

Pour sa part, le président iranien, Ebrahim Raïssi, a prévenu que malgré "la douleur et le chagrin" suscités par la mort d'Amini, la sécurité publique était "la ligne rouge de la République islamique d'Iran" et que "personne n'était autorisé à enfreindre la loi et à provoquer le chaos".

Jeudi, une journaliste qui avait couvert l'enterrement de Mahsa Amini a été interpellée, a indiqué son avocat. Cette arrestation est intervenue après celle de la journaliste Nilufar Hamedi, du quotidien "Shargh", qui s'était rendue à l'hôpital où Mahsa Amini était dans le coma et avait contribué à rendre publique l'affaire.

Selon l'agence de presse iranienne Fars, "environ 60" personnes ont été tuées depuis les début des manifestations le 16 septembre, tandis que l'ONG Iran Human Rights, basée à Oslo, a fait état d'un bilan d'au moins 76 morts.

L'Iran a imputé les manifestations à des forces extérieures et lancé mercredi des frappes transfrontalières de missiles et de drones qui ont fait 13 morts dans la région du Kurdistan irakien, accusant les groupes armés basés dans cette région d'alimenter les troubles.

Jeudi, l'Iran a convoqué le chargé d'affaires français, dénonçant l'"ingérence" de Paris dans ses affaires intérieures après la condamnation par Paris de la "répression violente" des manifestations.

- "Violence impitoyable" -

Des manifestations de solidarité avec les femmes iraniennes ont eu lieu dans le monde entier, et des rassemblements sont prévus dans 70 villes samedi.

En Afghanistan, les talibans ont dispersé jeudi un rassemblement devant l'ambassade d'Iran à Kaboul de femmes afghanes venues soutenir les manifestantes iraniennes, dont elles disent partager la lutte. Les forces talibanes ont tiré en l'air et tenté de frapper les manifestantes à coup de crosse, selon des journalistes de l'AFP.

Dans une déclaration à l'agence de presse Fars, les agents de renseignement du Corps des gardiens de la révolution, l'armée idéologique de l'Iran, ont indiqué avoir arrêté 50 membres d'"un réseau organisé" à l'origine des "émeutes" dans la ville sainte chiite de Qom.

Pour sa part, Amnesty International a critiqué les "pratiques généralisées de recours illégal à la force et la violence impitoyable des forces de sécurité" en Iran.

L'ONG a cité le recours à des balles réelles et boules de métal, des passages à tabac et violences sexuelles à l'encontre des femmes, le tout "sous couvert de perturbations continues et délibérées de l'Internet et de la téléphonie mobile".

"Des dizaines de personnes parmi lesquelles des enfants ont été tuées jusqu'à présent et des centaines blessées", a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale de l'ONG dont le siège est à Londres.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.