Vendredi 1 juillet 2022 à 12h21
Paris, 1 juil 2022 (AFP) — Un pas décisif franchi dans l'enquête sur le naufrage dans lequel 27 migrants avaient trouvé la mort dans la Manche fin 2021: dix hommes ont été mis en examen mercredi et jeudi à Paris, suspectés d'appartenir à un réseau de passeurs.
Les migrants âgés de 7 à 46 ans - 16 Kurdes d'Irak, un Kurde d'Iran, 4 Afghans, 3 Ethiopiens, une Somalienne, un Égyptien et un Vietnamien - avaient péri le 24 novembre dans le naufrage de leur bateau pneumatique au large de Calais, alors qu'ils tentaient de rejoindre la Grande-Bretagne.
Ils s'étaient lancés dans leur traversée en pleine nuit depuis Loon-Plage, près de Grande-Synthe (Nord).
Deux passagers seulement, un Kurde irakien et un Soudanais, avaient pu être secourus.
Une enquête avait été ouverte mi-décembre, confiée à des juges d'instruction parisiens.
Entre dimanche et lundi, 15 personnes - 13 hommes et deux femmes - ont été interpellées, comme l'avaient annoncé Le Parisien et RTL. Selon une source proche du dossier, ces personnes étaient en majorité de nationalité afghane.
Si trois hommes et les deux femmes ont été libérés sans poursuites à ce stade, dix hommes ont été présentés aux magistrats instructeurs puis mis en examen.
Un premier a été écroué mercredi.
Neuf autres, âgés de 21 à 41 ans, ont été mis en examen jeudi, notamment pour "homicide involontaire, blessures involontaires, mise en danger de la vie d'autrui, association de malfaiteurs et aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers", a indiqué vendredi à l'AFP la source judiciaire.
"Cinq d'entre eux ont été placés en détention provisoire et quatre sous contrôle judiciaire", a poursuivi cette source.
Ils sont soupçonnés, selon une autre source proche du dossier, d'être à différents degrés impliqués en tant que chauffeurs, passeurs ou logeurs, notamment dans une filière afghane d'immigration clandestine en lien avec le naufrage.
L'association d'aide aux exilés Utopia 56 a porté plainte en décembre pour "homicide involontaire" et "omission de porter secours" afin de se constituer partie civile dans ce dossier.
Utopia 56 visait notamment le préfet maritime Philippe Dutrieux, le directeur du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) Gris-Nez Marc Bonnafous, et la directrice des secours maritimes anglais (Coastguards) Claire Hughes.
- Record de traversées -
Mais sa constitution de partie civile a été rejetée, l'appel de l'association contre cette décision était examiné vendredi par la cour d'appel de Paris.
La plainte de l'association se fondait notamment sur le témoignage du rescapé kurde irakien, selon lequel 33 personnes se trouvaient à bord.
Il avait rapporté à la chaîne kurde irakienne Rudaw que les migrants avaient téléphoné aux secours français et britanniques quand leur embarcation avait commencé à couler. Selon lui, les secours n'avaient pas été déclenchés, Français et Anglais se renvoyant la responsabilité de l'intervention.
Début décembre, la préfecture maritime de la Manche avait exclu qu'un appel des migrants ait pu ne pas être traité.
Ce naufrage, le plus meurtrier depuis que les migrants tentent de traverser la Manche, avait suscité un vif émoi en Europe et relancé les tensions entre la France et le Royaume-Uni.
Selon le ministère de l'Intérieur, les tentatives de traversées clandestines de la Manche par des migrants voulant rejoindre les côtes britanniques ont explosé au premier semestre 2022, après une année 2021 déjà record.
Entre le 1er janvier et le 13 juin 2022, "777 événements de traversées et tentatives de traversées en +small boats+ impliquant 20.132 candidats (+68% par rapport à la même période en 2021) ont été recensés" par les autorités.
En 2021, ces tentatives de traversées, généralement en bateau pneumatique, au départ du littoral nord entre Calais et Dunkerque avaient atteint un "record", avec 52.000 personnes l'ayant tentée et 28.000 migrants l'ayant réussie, selon les données du ministère communiquées en janvier.
Selon la préfecture maritime, un total de 38 migrants sont morts en 2021 en tentant de rallier l'Angleterre par la mer depuis le littoral nord de la France.
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Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.