Vendredi 14 juin 2024 à 21h25
Paris, 14 juin 2024 (AFP) — Lolita C., une Française rentrée de Syrie en août 2021 et déjà poursuivie en France pour des infractions terroristes, est désormais également mise en examen pour génocide contre la minorité yézidie. C'est la troisième "revenante" à être poursuivie pour ces chefs.
Interrogée mardi par une juge d'instruction, Lolita C., 35 ans, a été mise en examen pour génocide et complicité "à l'encontre de victimes yézidies", ainsi que pour crimes contre l'humanité et complicité "à l'encontre de victimes civiles, notamment yézidies", a indiqué vendredi le parquet national antiterroriste (Pnat), sollicité par l'AFP.
Selon deux sources proches du dossier, cette mère de famille, âgée de 35 ans, est notamment soupçonnée d'avoir, en 2017, réduit en esclavage une enfant yézidie.
Elle vivait alors en Syrie avec son époux Lakhdar Sebouai, membre de la filière strasbourgeoise ayant rejoint les rangs du groupe Etat islamique (EI), et ses quatre enfants, dont deux nés en France d'une première union.
Lolita C. "conteste vivement" les accusations portées contre elle, selon ces sources. Mardi, la défense a plaidé "la contrainte", a précisé l'une d'elles.
Son avocat Louis Heloun n'a pas souhaité commenter.
- "Comme ma propre fille" -
Lolita C. est la "troisième femme", parmi les "revenantes" poursuivies en France, à être également mise en examen pour ces chefs relevant du pôle Crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris et passibles des assises.
Lors de précédents interrogatoires dont l'AFP a eu connaissance, elle avait expliqué qu'une "petite fille" de huit ans avait été amenée à son domicile par l'un des chefs de son époux et qu'elle l'avait traitée "comme (sa) propre fille".
"Le temps de son séjour chez moi, je ne me suis jamais servi d'elle, je ne l'ai jamais traitée comme une esclave mais comme une enfant", avait-elle assuré aux juges en mars 2021.
La justice française cherche à "documenter les crimes" de l'Etat islamique à l'encontre des minorités et a ouvert fin 2016 une enquête préliminaire dite "structurelle", avait expliqué fin avril le Parquet national antiterroriste (Pnat) à l'AFP.
Ainsi, avant Lolita C., une première jihadiste "revenante" a été mise en examen en 2022 pour ces chefs relevant du pôle Crimes contre l'humanité, selon l'une des sources proches du dossier.
Le Pnat a aussi requis début mai un procès pour une deuxième femme, Sonia M.. Dans son cas, la victime présumée, une Yézidie âgée de 16 ans au moment des faits, retrouvée par les enquêteurs, a dénoncé un quotidien de maltraitance.
En revanche, dans le dossier de Lolita C., la petite Yézidie âgée de huit ans en 2017, n'a pas encore été retrouvée, selon deux sources proches du dossier.
Aux juges, Lolita C. a expliqué sa velléité de partir pour les terres fantasmées de l'EI par son isolement: mère de famille, elle se sentait "très seule", minée par des "déceptions amoureuses", et voulait "se tourner vers Dieu et la prière".
"Je savais où j'allais, bien qu'il y ait certaines choses auxquelles je ne m'attendais pas du tout: les exécutions, les opérations martyrs", a-t-elle dit aux magistrats instructeurs en septembre 2022.
Eux la soupçonnent d'avoir co-dirigé une "maison des femmes" ou encore d'avoir appris le maniement des armes, comme la kalachnikov ou la ceinture explosive, ce qu'elle conteste.
Au cours des trois dernières années, les juges l'ont aussi questionnée plusieurs fois sur un éventuel embrigadement de son fils aîné quand il avait cinq ans au sein des "Lionceaux du califat".
Elle dément catégoriquement, disant l'avoir inscrit à "une école normale" où il "apprenait l'arabe, les mathématiques, le Coran" et nullement la "formation aux armes".
En août 2021, après avoir été détenue dans un camp kurde, puis expulsée de Turquie vers la France, la mère de famille a été mise en examen en août 2021 à Paris pour association de malfaiteurs terroriste criminelle et pour "soustraction d'un parent à ses obligations légales".
Elle est en détention provisoire depuis lors.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.