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Municipales en Turquie, Istanbul au coeur des convoitises


Dimanche 31 mars 2024 à 16h41

Istanbul, 31 mars 2024 (AFP) — Les opérations de vote se sont achevées en Turquie où les électeurs étaient appelés dimanche à choisir leurs maires, avec une attention particulière pour le sort d'Istanbul que le président Recep Tayyip Erdogan s'est montré déterminé à reconquérir cinq ans après l'avoir perdue.

Les bureaux de vote des 81 provinces du pays ont fermé leurs portes entre 16H00 et 17H00 (13H00 et 14H00 GMT), et les premiers résultats partiels sont attendus en début de soirée.

Face à la crise économique sévère qui frappe les classes moyennes en particulier, les maires d'opposition des deux plus grandes villes du pays, Istanbul et Ankara la capitale, étaient donnés favoris par les instituts de sondage.

"Il y a un besoin d'équilibre au moins au niveau local contre le gouvernement", estimait par ailleurs Serhan Solak, 56 ans, un habitant d'Ankara soucieux de ne pas favoriser la concentration des pouvoirs en s'apprêtant à voter pour le maire sortant du CHP (social-démocrate), Mansur Yavas.

Si le chef de l'Etat n'est pas candidat à ces élections locales, son ombre a plané plus que jamais sur les urnes.

À 70 ans, dont vingt-et-un au pouvoir, M. Erdogan a jeté toute sa stature d'homme d'Etat dans la campagne, labourant son pays de 85 millions d'habitants aux côtés des candidats de son Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur).

"Cette élection marquera le début d'une nouvelle ère pour notre pays", a-t-il affirmé après avoir voté à Istanbul à la mi-journée.

- Bataille d'Istanbul -

Le chef de l'Etat s'est particulièrement investi dans la bataille d'Istanbul, dont il fut maire dans les années 90 avant de conquérir le pouvoir, pour soutenir son candidat, un ancien ministre peu charismatique, Murat Kurum.

Il s'agissait pour lui de reprendre la principale ville du pays et la plus riche au maire sortant (CHP) Ekrem Imamoglu, qui la lui avait ravie en 2019, lui infligeant son pire revers électoral.

"J'espère qu'Istanbul et la Turquie se réveilleront (lundi) par un beau matin de printemps", a lancé le maire après avoir voté, en compagnie de sa famille.

S'il est reconduit, l'ambitieux édile, que M. Erdogan dépeint en "maire à temps partiel" dévoré par ses ambitions nationales, marquera des points pour la présidentielle de 2028.

Pour les observateurs, la participation, traditionnellement élevée, jouera un rôle déterminant notamment à Istanbul, où une mobilisation moindre pourrait nuire à M. Imamoglu.

- Opposition dispersée -

Dans le sud-est du pays, la journée a été marquée par des affrontements aux abords d'un bureau de vote de la province à majorité kurde de Diyarbakir (sud-est), qui ont fait un mort et douze blessés.

Le parti pro-kurde DEM, archi-favori dans nombre de localités de la région, dit avoir recensé des irrégularités "dans presque toutes les provinces kurdes": il a notamment dénoncé l'inscription suspecte, selon lui, de plusieurs dizaines de milliers de membres des forces de l'ordre sur les listes électorales des régions kurdes.

Une délégation d'observateurs venue de France s'est même vue refuser l'accès à un bureau de vote de la région, selon l'association d'avocats MLSA.

Le pouvoir a pu, pendant la campagne, compter sur l'absence de pluralisme qui lui a permis d'"imposer son seul discours dans tous les médias, avec une mainmise flagrante sur la télévision publique", a dénoncé l'ONG Reporters Sans Frontières.

Dans un pays confronté à 67% d'inflation sur douze mois et au dévissage de sa monnaie (passée de 19 à 32 livres pour un dollar en un an), l'opposition espèrait que les électeurs lanceraient un avertissement au gouvernement.

Mais contrairement aux municipales de 2019, elle est partie cette année divisée, plombée par sa défaite à la présidentielle de l'an dernier.

Le parti DEM, troisième force au parlement, a fait cavalier seul au risque de favoriser le parti au pouvoir, lui-même menacé par endroits par la poussée du parti islamiste Yeniden Refah.

"Si Imamoglu parvient à se maintenir, il aura gagné sa bataille au sein de l'opposition pour s'imposer" comme chef de file pour la prochaine présidentielle, note Bayram Balci, chercheur au Centre d'études et de recherches internationales (Ceri)-Sciences Po à Paris.

Mais à l'inverse, "s'il arrive à regagner Istanbul et Ankara, Erdogan y verra un encouragement à modifier la Constitution pour se représenter en 2028" et briguer un quatrième mandat, relève-t-il.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.