Mercredi 10 octobre 2007 à 14h09
ANKARA, 10 oct 2007 (AFP) — Le durcissement de ton du gouvernement turc à l'égard des séparatistes kurdes renforce la main des généraux qui veulent neutraliser depuis des mois les camps du Parti de travailleurs du Kurdistan (PKK) en Irak qui a augmenté ses activités, estiment les analystes.
"Cela serait très utile (...) je ne peux pas dire que nous en finirons avec le PKK mais une incursion portera un grand coup" contre les rebelles réfugiés en Irak, avait déclaré cet été le chef de l'armée, le général Yasar Büyükanit, insistant sur la nécessité d'une autorisation politique.
Le feu vert politique a été finalement donné mardi à une opération transfrontalière en Irak "si nécessaire" lors de la réunion d'une instance antiterroriste réunissant les principaux dirigeants civils et militaires du pays sous la houlette du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.
Ce dernier, craignant de vexer l'allié américain, s'était jusque là opposé à une incursion en Irak avant d'épuiser toutes les voies diplomatiques.
Depuis l'intervention américaine contre l'Irak en 2003, les Kurdes irakiens ont été les premiers alliés des Américains.
Or Ankara accuse les Kurdes d'Irak d'approvisionner leur "frères" du PKK en armes et en explosifs sur leur territoire, sanctuaire à partir duquel les rebelles s'infiltrent en Turquie pour y mener des attaques.
"Si le gouvernement avait donné son feu-vert en avril, quand l'armée l'avait demandé pour la première fois, il n'y aurait pas eu autant de morts aujourd'hui", assure le général à la retraite Necati Özgen, se référant aux soldats tués dans des combats avec le PKK, dont 15 le week-end dernier le bilan le plus lourd depuis 1995.
Cet ancien général quatre étoiles souligne que même si une opération n'est pas imminente, "la menace d'une incursion va faire réfléchir à deux fois les Américains et les Kurdes d'Irak".
Des manifestations ont été organisées ces trois derniers jours à travers la Turquie pour dénoncer le PKK, dont certaines critiquant particulièrement le laxisme des Etats-Unis à l'égard de cette organisation qui figure sur leur liste terroriste.
M. Erdogan était de plus en plus pressé par l'opposition et les médias à sévir contre le PKK en Irak, sur fond d'exaspération populaire attisant les sentiments anti-américains en Turquie, pays membre de l'Otan.
Pour lancer une opération d'envergure dans la montagne irakienne il faut un feu vert des députés, comme le demande la Constitution. Une motion pourrait être présentée dès la semaine prochaine, précise-t-on de source parlementaire.
M. Erdogan a confirmé mercredi ces informations. "Des préparatifs sur une motion ont commencé et se poursuivent", a-t-il dit à des journalistes.
Ce texte ne sera pas immédiatement appliqué, mais "sera une façon de montrer que la Turquie est sérieuse et déterminée", a indiqué le général à la retraite Edip Baser, sur la chaîne NTV.
Cet officier faisait partie d'un groupe de travail tripartite constitué en 2006 pour encourager le dialogue avec les Irakiens. Mais lui et son homologue américain, le général à la retraite Joseph Ralston, ont quitté cette instance devenue obsolète.
Washington et Bagdad ont de nouveau tenté mercredi de dissuader Ankara de recourir à une intervention unilatérale mais leurs voix semblent avoir de moins en moins d'effet.
"Depuis des mois, la Turquie attend en vain des actions de la part des Etats-Unis", a déclaré devant la presse l'ancien ambassadeur de Turquie à Washington, Faruk Logoglu, qui estime que la réaction américaine à une éventuelle incursion serait sans doute "limitée".
Ankara envisage aussi des mesures de rétorsion économique pour isoler le Kurdistan irakien qui s'approvisionne en électricité depuis la Turquie.
Le PKK devra être évoqué en priorité lorsque M. Erdogan sera reçu en novembre par le président George W. Bush à la Maison Blanche.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.