Mercredi 27 février 2008 à 11h25
DIYARBAKIR (Turquie), 27 fév 2008 (AFP) — Traqué dans la montagne irakienne par les forces turques, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) est encore une référence incontournable pour de nombreux Kurdes à Diyarbakir, le chef-lieu du sud-est anatolien, peuplé majoritairement de Kurdes.
20.000 personnes selon les organisateurs -mais pas plus de 10.000 selon les autorités locales- ont manifesté lundi dans cette ville déshéritée de plus d'un million d'habitants pour réclamer la fin de l'opération militaire turque lancée le 21 février dans le nord de l'Irak.
La manifestation organisée à l'appel du Parti pour une société démocratique (DTP), la principale formation pro-kurde du pays, a dégénéré en heurts sporadiques entre de jeunes manifestants et la police.
Le PKK, la rébellion séparatiste kurde, avait appelé la veille les jeunes Kurdes des métropoles à se révolter.
"L'opération (de l'armée) attise le nationalisme kurde et turc, et sert les intérêts du PKK", confie à l'AFP Ahmet, journaliste et écrivain kurde qui souhaite que son nom ne soit pas cité par crainte de poursuites judiciaires.
"Tant qu'une amnistie générale comprenant aussi les commandants (des rebelles) n'est pas proclamée, le PKK continuera de survivre", estime cet intellectuel.
Le PKK ne revendique plus un Etat indépendant, mais seulement l'autonomie du sud-est de la Turquie. L'image de l'organisation n'est plus ce qu'elle était au sein de la communauté kurde (15 à 20% des 70 millions d'habitants de la Turquie), surtout depuis la capture et la condamnation de son chef Abdullah Öcalan en 1999, suivie d'une accalmie de six ans.
Il n'en reste pas moins qu'il est toujours au centre du conflit kurde.
Ferit Demir, un commerçant de la ville, souligne que "les gens d'ici ont un lien de parenté avec la guérilla (le PKK) et cette opération ouvre davantage les plaies".
M. Demir affirme que les jeunes rejoignant les bases de l'organisation -considérée comme terroriste par Ankara, les Etats-Unis et l'Union européenne- sont aujourd'hui moins nombreux à cause des réformes démocratiques pro-européennes adoptées par le gouvernement.
Mais, dit-il, "je crains que le sentimentalisme ne l'emporte et que les jeunes ne remontent dans la montagne".
Parmi les demandes de la population: le démantèlement des "gardiens de village", une milice controversée de Kurdes payés et armés par Ankara.
Quelque 5.000 miliciens kurdes (sur 58.000) ont été impliqués dans des crimes ou des délits mais peu ont été poursuivis, selon des chiffres officiels.
"Tant que cette force reste en place, il n'y aura pas de paix", souligne Orhan, un chauffeur de taxi qui ne fournit que son prénom.
"Ces gens ne veulent pas que les combats finissent car ils ne seront plus rémunérés", souligne le jeune homme, affirmant que "%95 des Kurdes (de Turquie) ne veulent pas d'un Etat indépendant, mais qu'il faut quand même un certain dialogue entre le PKK et l'Etat turc.
Ankara a toujours refusé tout contact avec le PKK. Les violences qui se poursuivent depuis 1984 ont coûté la vie à 37.000 personnes, selon les chiffres officiels.
Le DTP est menacé d'interdiction pour collusion avec les rebelles. Mais pour Ahmet il serait erroné de bannir ce parti car c'est une "soupape de sécurité" entre l'Etat turc et le PKK, bien qu'il soit loin de représenter l'ensemble des Kurdes (5% des voix aux législatives).
Refusant de se démarquer du PKK, plusieurs dirigeants du parti sont actuellement en prison ou sont jugés.
"Il faut construire un certain mécanisme de dialogue avec le PKK" soutient Necdet Atalay, chef provincial du DTP qui assure que même si des centaines de militants sont tués par l'armée en Irak, le PKK continuera à exister.
Pour d'autres, l'incursion turque ne rappelle que d'amers souvenirs.
Takiyeddin, le fils de Halim Tanrikulu, a été abattu en 1994 à l'âge de 22 ans lors de heurts avec le PKK.
"Malgré tout, je veux la paix", dit cet homme de 65 ans.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.