Samedi 1 mars 2008 à 14h13
QARAWOLA (Irak), 1 mars 2008 (AFP) — Dans les montagnes du Kurdistan irakien, le silence a de nouveau remplacé le rugissement des chars et le fracas des explosions. "Merci à Dieu! Ils ont retiré leurs forces de notre territoire", lance Ismaïl Kojer, un paysan du village de Qarawola.
Soixante dix familles kurdes vivent dans ce village reculé, situé à 100 mètres de la frontière irako-turque. Pendant huit jours, elles se sont retrouvées sur la ligne de front lors de l'opération turque contre les rebelles du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).
A l'annonce du retrait des troupes turques du nord de l'Irak, les villageois sont sortis de chez eux en criant de joie.
"La dernière chose dont nous ayons besoin dans ce pays c'est que les troupes turques y restent pendant longtemps. Nous avons tant souffert des dévastations causées par la Turquie et de sa tyrannie. Nous en avons assez", ajoute Ismaïl Kojer, 75 ans.
Une opinion largement répandue à Qarawola. Matine Berwari, un combattant peshmerga de 35 ans, se montre menaçant, malgré la disproportion des forces entre la rébellion du PKK et l'armée turque.
"Heureusement qu'ils sont partis de leur propre chef sinon nous les aurions mis nous-mêmes dehors. Nous ne voulons pas que notre territoire soit occupé par quiconque", lance-t-il.
"Les Turcs doivent régler ce problème de manière pacifique et non par la force. L'Histoire prouve que la force ne résout jamais rien mais au contraire ne fait que les compliquer", insiste l'homme.
Il estime que la Turquie a retiré ses forces après des pressions américaines, ce qu'Ankara a démenti, affirmant que la décision avait été au contraire prise pour des "raisons militaires".
Selon l'armée turque, au moins 240 rebelles du PKK et 27 soldats turcs ont été tués en huit jours d'offensive, la seconde de grande ampleur depuis trois mois dans les montagnes du Kurdistan, refuges des rebelles kurdes.
"Les Américains ne veulent pas compliquer la situation en Irak. (Le Kurdistan) est le seul endroit sûr du pays", insiste le peshmerga.
En 1991, le Kurdistan a échappé au contrôle de Bagdad, alors dirigé d'une main de fer par Saddam Hussein, avec l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne par les Alliés, Etats-Unis en tête.
Cette situation a permis à la région de connaître un développement économique sans précédent et d'être épargnée par les violences qui ensanglantent l'Irak depuis l'invasion américaine en mars 2003.
Shirin Sendi, enseignante de 28 ans à la seule école primaire du village, ne peut contrôler sa joie de voir les bombardements s'arrêter et le retour du calme dans sa classe, où ses élèves étaient terrifiés.
"Mes élèves se cachaient sous les tables à chaque explosion. Vous n'avez aucune idée de la joie que je ressens. J'étais tellement terrifiée", lâche la jeune femme.
"Quand une guerre se déroule près de vous, c'est affreux. Des gens meurent et vous devez continuer à vivre comme si de rien n'était. Je suis tellement heureuse que ces soldats soient partis avec leurs chars", ajoute l'enseignante.
"Nous avons tant souffert sous le régime de Saddam mais nous n'avions pas imaginé que la Turquie joue le même rôle que lui".
Mais nombre de villageois craignent que les Turcs ne reviennent, ce qu'ils ont d'ailleurs promis.
"Les troupes turques sont juste derrière la montagne et prêtes à nous attaquer", Oumid Achit en montrant les cimes enneigées au loin.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.