Lundi 22 août 2011 à 06h11
erbil (Irak), 22 août 2011 (AFP) — Au Kurdistan irakien, une députée a engagé une véritable bataille pour légaliser la prostitution et mieux la réguler, mais, dans une société ultra-conservatrice, son combat semble perdu d'avance.
Haza Souleimane, 44 ans, ne se laisse pas impressionner par les gigantesques obstacles auxquels elle fait face pour instaurer un contrôle sur le commerce du sexe dans les trois provinces qui composent la région autonome du Kurdistan.
"Nous avons besoin d'une loi spéciale pour la région: la loi irakienne ne correspond pas à la réalité sur le terrain ici", estime cette militante des droits des femmes et présidente du comité qui leur est consacré au Parlement kurde.
Le Kurdistan s'en remet actuellement à une loi irakienne datant de 1988 qui interdit totalement la prostitution, mais ne punit que les travailleurs du sexe et non leurs clients.
Mme Souleimane a tenté en vain de proposer une loi qui légaliserait et régulerait la prostitution, mais le quorum n'a pas pu être réuni pour l'adopter.
La seule province de Souleimaniya, deuxième en taille sur les trois de la région, comptait jusqu'à 400 maisons de passe, hôtels et salons de massage où se pratiquait la prostitution, jusqu'à ce que les autorités interviennent il y a quelques semaines, a indiqué le général Hassan Nouri.
"Il devrait y avoir des endroits où ces choses peuvent se faire, et les prostituées devraient passer des tests tous les six mois", juge-t-il.
Mais la Constitution irakienne interdit explicitement "le commerce du sexe". En outre, la majorité des députés kurdes se montrent fermement opposés à la cause de Mme Souleimane.
"La loi irakienne considère la prostitution comme un crime (...) Nous devons la stopper, la freiner et non la placer dans un cadre légal et l'autoriser", a ainsi estimé Sorkol Qaradaghi, députée de l'Union islamique du Kurdistan et membre du comité des droits de l'Homme au Parlement kurde.
esclavage sexuel
Bachir Haddad, président du comité parlementaire des affaires religieuses, s'y est dit également fermement opposé et a estimé que la question de la prostitution ne représentait pas un problème majeur au Kurdistan.
Mais cet avis ne fait pas l'unanimité: le département d'Etat américain a ainsi placé en juin l'Irak dans sa liste de pays sous surveillance pour les questions de traite des êtres humains.
L'Irak "accomplit des efforts importants" pour lutter contre la traite, souligne-t-il dans un rapport, mais il note aussi que "des femmes se retrouvent contraintes de se prostituer par le biais de fausses promesses d'emploi".
"Des femmes sont également contraintes à la servitude par les mariages forcés, souvent en paiement d'une dette, et celles qui fuient ces unions sont souvent plus vulnérables au travail forcé ou à l'esclavage sexuel", souligne le rapport.
Certains responsables et militants appellent par ailleurs à ce que les femmes ne soient pas les seules à être visées par la loi dans les cas de prostitution.
"En visitant les prisons de la région, nous avons vu que beaucoup de femmes ont été arrêtées pour prostitution, tandis que les hommes ne le sont pas. S'il y avait une loi qui établissait une sanction pour les hommes aussi, ce serait une avancée", estime Lanja Abdullah, qui dirige l'ONG de défense des femmes Warfeen.
Les juges font leur travail, mais "nous pensons qu'il y a une lacune car le crime n'est pas commis par une seule partie, mais par deux", admet Abdullah Salam, porte-parole du comité d'enquête régional. "Des juges ont été contraints de libérer des hommes et d'arrêter des femmes (...) parce que rien dans la loi ne permet de poursuivre en justice les actes des hommes".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.