Mardi 24 septembre 2013 à 09h33
ANKARA, 24 sept 2013 (AFP) — Près d'un an après sa reprise, le processus de paix engagé entre Ankara et les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) semble dans l'impasse, les Kurdes rejetant par avance comme insuffisantes les réformes démocratiques que le gouvernement doit présenter la semaine prochaine.
Le PKK a tiré un premier coup de semonce début septembre en suspendant le retrait de ses combattants du territoire turc amorcé en mai.
Le mouvement séparatiste a justifié cette décision en accusant les autorités de tarder à mettre en place des réformes promises, censées accorder plus de droits aux quelque 15 millions de Kurdes du pays.
De son côté, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a reproché au PKK de ne pas tenir ses engagements. "Seuls 20% (des rebelles) ont quitté la Turquie et ce sont surtout des femmes et des enfants", a-t-il affirmé.
"Il y a des problèmes et des tensions", concède à l'AFP la co-présidente du Parti pour la paix et la démocratie (BDP), considéré comme la vitrine légale du mouvement kurde, Gültan Kisanak. "Mais on ne peut pas dire que le processus est fini car les négociations avec (le chef du PKK Abdullah) Öcalan continuent", tempère-t-elle.
Le PKK s'est en effet engagé à maintenir le cessez-le-feu tant qu'une solution serait recherchée.
Le processus de paix est "comme un cheval de rodéo: il bouge, mais il n'avance pas", a pour sa part déclaré M. Öcalan aux élus du BDP qu'il a rencontrés la semaine dernière.
Après de discrètes discussions avec le gouvernement islamo-conservateur, "Apo", le surnom du chef du PKK qui purge depuis 1999 une peine de réclusion à vie dans l'île-prison d'Imrali (nord-ouest), a annoncé en mars un nouveau cessez-le-feu.
Ce geste a ravivé l'espoir de trouver enfin une issue au conflit qui a coûté la vie à plus de 40.000 personnes depuis 1984.
Deux mois plus tard, le PKK a commencé à retirer ses combattants, dont le nombre est estimé à 2.500, de Turquie vers leurs bases arrières du Kurdistan irakien.
"Paquet démocratique"
En échange de ce retrait, le PKK exige une réforme du code pénal et des lois électorales, le droit d'enseigner en kurde et une certaine autonomie régionale.
Le Premier ministre doit lui donner sa réponse le 30 septembre sous la forme d'un ensemble de "réformes de démocratisation".
Considérées comme une étape essentielle du processus de paix kurde, ces mesures doivent aussi aborder la question des alévis, une minorité musulmane libérale qui constitue 20% de la population turque, et des non-musulmans du pays.
Mais le gouvernement est confronté à une "tâche difficile", juge Nihat Ali Ozcan, expert des questions de sécurité au sein du think tank TEPAV d'Ankara. "C'est un vrai défi de faire des concessions à la minorité kurde à l'approche des élections" (locales, en mars, et présidentielle, en août 2014), estime-t-il.
Les hommes politiques kurdes ne s'y trompent pas, qui déplorent déjà la timidité du "paquet démocratique" de M. Erdogan.
"Dans son état actuel, nous ne pensons pas que l'ensemble de réformes répondra à nos demandes de droits et de libertés et qu'il contribuera au processus de paix", tranche Mme Kisanak.
"Nous avons appelé avec insistance le gouvernement à débattre des réformes avec nous et avec le public, mais nous n'avons pas reçu de réponse", ajoute-t-elle.
Dans un pays où une majorité de la population considère M. Öcalan comme un "terroriste", le secret entretenu autour de ses discussions avec les autorités est largement dénoncé.
"Abdullah Öcalan est assis à un bout de la table et Erdogan à l'autre. Ils se rencontrent, négocient. Le public n'a aucune idée de ce qui se passe", a déploré le chef du principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), Kemal Kiliçdaroglu.
"Les réformes de démocratisation auraient dû faire l'objet de discussions avec le public, les partis d'opposition et les ministères concernés", regrette aussi une source diplomatique occidentale sous couvert de l'anonymat. "Après tout, la Turquie ne se résume pas au seul Erdogan".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.