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Saddam Hussein escorté hors du tribunal, sur ordre du nouveau juge


Mercredi 20 septembre 2006 à 12h15

BAGDAD, 20 sept 2006 (AFP) — La dixième audience du procès de Saddam Hussein, accusé de génocide contre les populations kurdes, s'est ouverte mercredi à Bagdad dans une ambiance mouvementée sous la présidence d'un nouveau juge, qui a ordonné au président déchu de quitter la salle.

Les violences se sont poursuivies dans le pays où neuf personnes ont été tuées mercredi.

Mohammed al-Oreibi al-Majid al-Khalifa, un chiite qui avait été l'adjoint du président du tribunal Abdallah al-Amery, a présidé les débats du procès après la révocation mardi de son prédécesseur par le gouvernement, pour partialité.

Cette décision, qui nuit à la crédibilité de la Cour alors que le gouvernement clame haut et fort vouloir respecter l'indépendance de la Justice, a été justifiée par le souci de "préserver la neutralité du tribunal", dans un communiqué diffusé mercredi par le porte-parole Ali al-Dabbagh.

Abdallah al-Améry, qui a 25 ans d'expérience et a occupé les fonctions de juge sous l'ancien régime, a provoqué un tollé contre lui dans les communautés kurdes et chiites pour avoir nié que Saddam Hussein soit un dictateur lors d'un échange amical jeudi dernier.

Saddam Hussein a interpellé le nouveau juge lui disant : "Votre père était un garde de sécurité".

Le juge a aussitôt réagi en ordonnant: "Saddam, hors de la salle du tribunal". L'ancien dictateur a alors été escorté dehors par des gardes.

Les avocats de la défense avaient peu avant protesté contre la révocation d'Abdallah al-Amery et annoncé leur retrait de l'audience.

Avant de quitter la salle, Me Wadoud Faouzi a lu un communiqué au nom de l'équipe de défense, condamnant l'ingérence du gouvernement dans le procès.

"Nous voulons souligner que le gouvernement s'ingère dans le procès et nous ne pouvons continuer de faire notre travail de façon convenable. Pour ces raisons, nous avons décidé de nous retirer. Nous ne voulons pas d'ingérence du gouvernement dans ce procès et nous ne reviendrons dans la salle que si ces conditions sont satisfaites", a-t-il dit.

L'avocat a relevé que déjà, lors du premier procès de Saddam Hussein pour le massacre de 148 villageois chiites de Doujail en 1980, le juge kurde "Rizkar (Mohammad Amine) a été contraint de démissionner sous la pression du gouvernement". Officiellement, le juge kurde a démissionné le 23 janvier pour des raisons personnelles.

Le limogeage du juge al-Améry "confirme nos soupçons" à l'égard d'un tribunal "formé à l'ombre de l'occupation", a poursuivi Me Faouzi.

Après le retrait des avocats de la défense, six avocats ont été commis d'office.

Deux coaccusés de Saddam Hussein ont demandé de quitter la salle après son départ, dont Ali Hassan al-Majid, surnommé Ali le chimique pour son rôle dans les bombardements chimiques au Kurdistan.

Mais le juge leur a ordonné de rester, en affirmant: "Vous ne pouvez sortir sans ma permission et je ne vous la donne pas". Ali al-Majid a alors affirmé qu'il ne coopèrerait pas, et resterait silencieux.

Après ce coup de théâtre, l'audience a repris avec l'audition d'une vieille femme kurde, Esmat Abdel kader, qui a affirmé souffrir encore des effets du gaz. "J'ai encore des marques sur mes mains, j'ai été opérée des yeux et je respire difficilement", a-t-elle dit.

Un autre villageois, Ahmed Kader, a décrit l'attaque chimique de son village, l'odeur de gaz, la fuite. Après l'attaque, il a affirmé avoir évacué les corps des victimes à bord d'un tracteur, avec son frère: "12 par ci, 20 par là, 5 autres ailleurs".

Depuis l'ouverture de ce procès le 21 août, 26 personnes ont apporté leurs témoignages sur les atrocités des bombardements chimiques au Kurdistan lors des campagnes militaires d'al-Anfal.

Saddam Hussein et ses lieutenants sont accusés d'avoir ordonné et exécuté la répression des populations kurdes dans le cadre de ces campagnes en 1987-1988 qui auraient fait plus de 180.000 morts. Ils sont passibles de la peine de mort.

Neuf personnes ont été tuées mercredi dans le pays dans une nouvelle vague de violences qui a fait depuis lundi plus de cent morts aussi bien dans le nord, l'ouest que le centre de l'Irak.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.