Mercredi 26 janvier 2022 à 19h46
Hassaké (Syrie), 26 jan 2022 (AFP) — Les forces kurdes soutenues par des soldats américains en Syrie ont repris mercredi le contrôle d'une grande prison attaquée par le groupe Etat islamique (EI), mettant fin au plus important assaut jihadiste dans le pays en trois ans.
Les combats qui ont suivi l'assaut lancé le 20 janvier pour libérer des jihadistes de la prison de Ghwayran à Hassaké (nord-est) contrôlée par les forces kurdes, ont fait 181 morts -124 jihadistes, 50 combattants kurdes et sept civils-, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Ils ont également poussé à la fuite par un temps glacial environ 45.000 personnes qui vivaient dans les secteurs proches de la prison, d'après l'ONU.
Certains déplacés ont trouvé refuge dans une mosquée de Hassaké. "On est en sécurité ici, mais il n'y a ni pain, ni eau, ni sucre", lance Maya, 38 ans, mère de neuf enfants, en tentant de calmer son nourrisson qui tremble de froid.
"Toute la prison est sous notre contrôle et les détenus sont transférés vers un lieu sûr", a indiqué Nowruz Ahmed, une responsable des Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les Kurdes et fer de lance de la lutte anti-EI en Syrie, pays en guerre depuis 2011.
Elle a ajouté lors d'une conférence de presse que 9.000 combattants kurdes avaient pris part à l'opération et continuaient de ratisser la zone.
Des prisonniers, qui se sont mutinés et servis dans une armurerie, ont participé aux combats aux côtés d'assaillants qui ont réussi à s'infiltrer dans la prison.
Avec des camions piégés et des armes lourdes, plus d'une centaine de jihadistes ont participé à l'assaut, la plus importante attaque menée par l'EI depuis sa défaite territoriale en Syrie en 2019 face aux forces kurdes.
- "Problème international" -
Les FDS ont été aidées par des soldats américains de la coalition internationale antijihadistes dirigée par Washington pour reprendre la prison. Les quartiers autour ont été sécurisés, selon les forces kurdes.
Un porte-parole des FDS, Farhad Shami, a fait état de la reddition des jihadistes retranchés dans la prison avant sa reprise.
Les FDS avaient coupé la nourriture et l'eau de la prison pendant deux jours pour forcer les jihadistes à se rendre, a indiqué l'OSDH.
Plus de 1.000 jihadistes, des prisonniers ou des infiltrés, se sont rendus aux forces kurdes depuis le 20 janvier, avaient auparavant indiqué les FDS et l'OSDH. Et un nombre indéterminé de jihadistes sont parvenus à s'échapper depuis l'assaut, a dit l'ONG ce que les FDS ont démenti.
La prison abritait au moins 3.500 jihadistes de différentes nationalités, selon l'ONG.
L'ONU et des organisations de défense des droits humains ont fait également état de centaines de mineurs enfermés dans cette ancienne école reconvertie en centre de détention. On ignorait dans l'immédiat le sort de ces mineurs.
Mercredi, l'administration autonome kurde qui contrôle de vastes régions du nord et nord-est syrien a de nouveau appelé la communauté internationale à l'aide, craignant que l'EI ne se renforce.
"C'est un problème international que nous ne pouvons régler seuls", a dit à l'AFP Abdel Karim Omar, responsable kurde.
La plupart des pays occidentaux refusent de rapatrier l'ensemble de leurs citoyens détenus dans les prisons et camps sous contrôle des Kurdes, se contentant de rapatriements au compte-gouttes.
- "On meurt de froid" -
Des experts voient dans l'assaut jihadiste une étape vers la résurgence de l'EI, qui s'est replié dans le désert syrien après sa défaite en Syrie et en 2017 en Irak, pays voisin.
"Il s'agit d'un problème mondial qui nécessite une réunion de nombreux pays pour trouver une solution durable à long terme", a déclaré la coalition internationale dans un communiqué. "Les prisons de fortune dans toute la Syrie sont un terreau fertile" pour l'EI.
Et comme toujours les civils payent le prix des violences dans un pays où la guerre complexe aux multiples protagonistes a fait environ 500.000 morts depuis 2011.
Face aux combats et craignant l'infiltration de jihadistes dans leurs quartiers proches de la prison, les habitants ont fui pour se réfugier chez des proches, dans une mosquée ou dans des tentes alors que les températures avoisinent zéro degré Celsius la nuit.
"On meurt de froid ici. Ce qu'on veut, c'est être en sécurité et rentrer chez nous", confie les larmes aux yeux Nabila, une mère de sept enfants.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.