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Turquie: destitution de trois maires prokurdes accusés de "terrorisme"


Lundi 4 novembre 2024 à 13h57

Istanbul, 4 nov 2024 (AFP) — Trois maires issus du principal parti prokurde de Turquie ont été démis de leurs fonctions lundi, accusés de "terrorisme", au moment où le pouvoir turc prétend tendre la main aux "frères kurdes".

Les maires des grandes villes de Mardin et de Batman, et celui de la localité de Halfeti, toutes trois situées dans le sud-est à majorité kurde du pays, ont été remplacés par des gouverneurs nommés par l'Etat, a annoncé le ministère turc de l'Intérieur dans un communiqué.

Les trois maires déchus sont membres du Parti de l'égalité des peuples et de la démocratie (DEM, ex-HDP), troisième force politique au Parlement, que le pouvoir accuse de liens avec les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ce que le DEM dément.

Le maire de Mardin Ahmet Türk, figure populaire du mouvement kurde, âgé de 82 ans, avait déjà été démis de ses fonctions et emprisonné à plusieurs reprises lors de précédents mandats, accusé de liens avec le PKK, groupe armé considéré comme terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux, qui mène une guérilla contre l'Etat turc depuis 1984.

"Nous ne permettrons pas l'usurpation de la volonté du peuple. Que cela se sache!", a écrit sur X M. Türk, poursuivi pour "appartenance à une organisation terroriste armée".

Le gouvernorat de Mardin a interdit les manifestations pendant dix jours dans la province.

Le parti DEM a qualifié ces destitutions de "coup d'Etat", dénonçant dans un communiqué "une attaque majeure contre le droit du peuple kurde à voter et à être élu".

- "Frères kurdes" -

"Le gouvernement perd le contrôle", a dénoncé sur X le puissant maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, figure du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), principale formation de l'opposition.

"Le droit d'élire n'appartient qu'aux électeurs et n'est pas transférable", a souligné l'élu, probable candidat à la prochaine présidentielle, lui-même dans le viseur du pouvoir.

Des dizaines de maires élus dans le sud-est à majorité kurde de Turquie avaient été démis de leur fonction et remplacés des administrateurs nommés par le gouvernement à partir de 2016. Ces destitutions étaient toutefois devenues plus rares ces dernières années.

Le maire DEM d'Hakkari, ville de l'extrême sud-est de la Turquie, a cependant été démis de ses fonctions en juin avant d'être condamné à 19 ans et demi de prison pour "terrorisme". Des échauffourées avaient éclaté dans la ville.

L'ancien coprésident du HDP (devenu DEM), Selahattin Demirtas, incarcéré depuis 2016, avait été condamné trois semaines plus tôt à 42 ans de prison, notamment pour atteinte à l'unité de l'Etat.

Les trois maires DEM déchus lundi avaient été élus lors des élections locales de mars, qui se sont soldées par une large victoire de l'opposition au détriment du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) du président Recep Tayyip Erdogan.

Ces destitutions interviennent quelques jours après l'arrestation pour des liens présumés avec le PKK d'un maire d'arrondissement d'Istanbul issu du parti d'opposition CHP, et alors que le président Erdogan avait affirmé mercredi vouloir "tendre la main aux frères kurdes".

Le chef de l'Etat et son principal allié, Devlet Bahçeli, laissent entrevoir depuis deux semaines la possibilité d'une libération anticipée du chef historique du PKK, Abdullah Öcalan, détenu depuis 1999, une tentative d'apaiser le "front intérieur" dans un contexte régional menaçant.

Le PKK a revendiqué entretemps l'attentat perpétré le 23 octobre près d'Ankara, qui a fait cinq morts et 22 blessés, précisant cependant qu'il s'agissait d'une "action planifiée de longue date" et non liée aux récentes déclarations du président turc et de son allié d'extrême droite.

rba/cn

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.