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Turquie: destitution de trois maires prokurdes accusés de "terrorisme"


Lundi 4 novembre 2024 à 16h46

Istanbul, 4 nov 2024 (AFP) — Trois maires issus du principal parti prokurde de Turquie ont été démis de leurs fonctions lundi, accusés de "terrorisme", au moment où le pouvoir turc assure tendre la main aux "frères kurdes".

Les maires des grandes villes de Mardin et de Batman, et celui de la localité de Halfeti, toutes trois situées dans le sud-est à majorité kurde du pays, ont été remplacés par des administrateurs, ou "kayyums", nommés par l'Etat, a annoncé le ministère turc de l'Intérieur.

Les trois maires déchus sont membres du Parti de l'égalité des peuples et de la démocratie (DEM, ex-HDP), troisième force politique au Parlement, que le pouvoir accuse de liens avec les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ce que le DEM dément.

Des rassemblements, certains émaillés de violences, ont eu lieu lundi dans les trois villes concernées, ainsi qu'à Diyarbakir, capitale informelle des Kurdes de Turquie, où quelque 2.000 personnes ont défilé sous étroite surveillance policière, selon un correspondant de l'AFP.

"Kayyums, dehors!", ont scandé des manifestants à Diyarbakir.

Pour tenter d'étouffer la fronde, les gouvernorats de Mardin, Batman et Sanliurfa ont interdit tout rassemblement pendant dix jours. Les manifestations ont également été proscrites pendant 72 heures à Diyarbakir jusqu'à mercredi soir.

"Nous devons nous faire entendre face à ces agissements illégaux, ce fonctionnement anti-démocratique qui défie la volonté du peuple", a lancé le maire de Mardin, Ahmet Türk, 82 ans, figure populaire du mouvement kurde, qui avait appelé ses partisans à se réunir devant la municipalité.

Poursuivi pour "appartenance à une organisation terroriste armée", M. Türk avait déjà été démis de ses fonctions et emprisonné à plusieurs reprises lors de précédents mandats, accusé de liens avec le PKK, groupe armé considéré comme terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux, qui mène une guérilla contre l'Etat turc depuis 1984.

Le parti DEM a qualifié ces destitutions de "coup d'Etat", dénonçant "une attaque majeure contre le droit du peuple kurde à voter et à être élu".

- "Frères kurdes" -

"Le gouvernement perd le contrôle", a également fustigé sur X le puissant maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, figure du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), principale formation de l'opposition.

"Le droit d'élire n'appartient qu'aux électeurs et n'est pas transférable", a souligné l'élu, probable candidat à la prochaine présidentielle et lui-même dans le viseur du pouvoir.

Le chef du CHP, Özgür Özel, s'est rendu lundi à Mardin pour y soutenir le maire déchu.

Des dizaines de maires élus dans le sud-est à majorité kurde de Turquie avaient été démis de leur fonction et remplacés des administrateurs désignés par le gouvernement à partir de 2016. Ces destitutions étaient toutefois devenues plus rares ces dernières années.

Le maire DEM d'Hakkari, ville de l'extrême sud-est de la Turquie, a cependant été démis de ses fonctions en juin avant d'être condamné à 19 ans et demi de prison pour "terrorisme".

L'ancien coprésident du HDP (devenu DEM), Selahattin Demirtas, incarcéré depuis 2016, avait été condamné trois semaines plus tôt à 42 ans de prison, notamment pour atteinte à l'unité de l'Etat.

Les trois maires DEM déchus lundi ont été élus lors des élections locales de mars qui se sont soldées par une large victoire de l'opposition au détriment du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) du président Recep Tayyip Erdogan.

Ces destitutions interviennent quelques jours après l'arrestation pour des liens présumés avec le PKK d'un maire d'arrondissement d'Istanbul, issu du parti d'opposition CHP et alors que le président Erdogan a affirmé vouloir "tendre la main aux frères kurdes".

Le chef de l'Etat et son principal allié, Devlet Bahçeli, laissent entrevoir depuis deux semaines la possibilité d'une libération anticipée du chef historique du PKK, Abdullah Öcalan, détenu depuis 1999, une tentative d'apaiser le "front intérieur" dans un contexte régional menaçant.

Le PKK a revendiqué entretemps l'attentat perpétré le 23 octobre près d'Ankara, qui a fait cinq morts et 22 blessés, précisant cependant qu'il s'agissait d'une "action planifiée de longue date" et non liée aux récentes déclarations du président turc et de son allié d'extrême droite.

rba-mb/ach/dth

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.