Page Précédente

Turquie: l'opposition se mobilise après le remplacement d'un élu accusé de "terrorisme"


Jeudi 31 octobre 2024 à 14h22

Istanbul, 31 oct 2024 (AFP) — L'opposition turque s'est mobilisée jeudi pour dénoncer l'arrestation et le remplacement d'un élu d'arrondissement d'Istanbul accusé de terrorisme, au moment où les autorités tendent la main aux responsables du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan.

Les deux principaux partis de l'opposition parlementaire, le CHP (centre gauche) et le DEM (ex-HDP, prokurde) ont donné rendez-vous à leurs partisans devant la municipalité d'Esenyurt, afin de dénoncer l'"arrestation sans fondement", la veille, du maire CHP.

D'importantes forces de police ont été déployées dès l'aube tout autour de la municipalité d'Esenyurt amenant les organisateurs à déplacer le rassemblement sur l'une des places du quartier, le plus peuplé d'Istanbul avec près d'un million d'habitants.

La foule a commencé à converger avant 16H00 (13H00 GMT), brandissant des drapeaux turcs et des pancartes: "Ahmet Özer tu n'es pas seul!".

Le DEM a également appelé à manifester à travers tout le pays contre "la confiscation de la volonté du peuple".

Élu le 31 mars, Ahmet Özer, universitaire reconnu proche du maire CHP d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, est accusé d'être "membre de l'organisation terroriste armée PKK", selon le ministère de l'Intérieur qui a confirmé la "destitution temporaire" de l'édile.

Les autorités l'ont suspendu de ses fonctions et désigné un fonctionnaire, un adjoint du gouverneur d'Istanbul, comme maire de substitution.

Le PKK, considéré comme mouvement terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux, a lancé la lutte armée conte le gouvernement turc depuis le milieu des années 80, faisant des milliers de morts de part et d'autres.

- Raid matinal -

Selon la chaine de télévision privée NTV, M. Özer a formellement nié ces accusations devant la justice : "Je n'ai aucune relation avec quelque organisation que ce soit, je démens absolument".

Le président du CHP, Ozgur Özel, a dénoncé mercredi soir des "allégations abstraites sur la foi d'un livre écrit (par l'élu) il y a des années" et promis de "réagir de la manière la plus ferme".

Pour le maire d'Ankara et figure du CHP, Mansour Yavas, "la décision et les circonstances de l'arrestation de M.Özer soulève de graves inquiétudes", a-t-il estimé, rappelant que le maire a été arrêté lors d'un "raid de la police à son domicile à 5H30" mercredi: "Était-ce bien nécessaire?" interroge-t-il.

Le professeur Ahmet Özer est un universitaire reconnu, élu lors des municipales du 31 mars marquées par une large victoire de l'opposition dans de nombreuses grandes villes, dont Istanbul.

Au printemps, la suspension d'un maire du DEM dans la grande ville de Van, dans l'Est, avait déclenché une vague de manifestations violentes et obligé finalement à réinstaller l'élu dans ses fonctions.

La pratique du "kayyum" ou maire de substitution a particulièrement ciblé jusqu'à présent les élus HDP/DEM dans le quart sud-est du pays, à majorité kurde, où des milliers de responsables du parti ont été arrêtés dont son ex-co-président, Selahattin Demirtas, condamné en mai à 42 ans de prison pour "terrorisme".

L'arrestation d'Ahmet Özer intervient alors que le président Recep Tayyip Erdogan a confirmé, mercredi, sa volonté de "tendre la main aux frères kurdes", laissant entrevoir la possibilité d'une libération anticipée du chef historique du PKK.

Abdullah Öcalan, condamné à vie, est détenu à l'isolement sur une île au large d'Istanbul depuis 1999. Il a pu recevoir la semaine dernière la rare visite d'un neveu.

Le PKK a revendiqué l'attentat qui a fait cinq morts et 22 blessés le 23 octobre contre le siège des industries de défense à Ankara.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.