Vendredi 25 septembre 2020 à 18h56
Ankara, 25 sept 2020 (AFP) — Les autorités turques ont émis vendredi des mandats d'arrêt contre 82 personnes actives dans les milieux soutenant la cause kurde, dont un maire, accusées d'être impliquées dans des manifestations datant d'il y a six ans, et se préparent à lever l'immunité parlementaire de sept élus.
Les mandats d'arrêt ont été émis par le parquet d'Ankara dans le cadre d'une enquête sur les violentes manifestations qui avaient éclaté en octobre 2014 pour protester contre le siège de Kobané, une ville syrienne en majorité peuplée de Kurdes, par les jihadistes du groupe Etat islamique (EI).
Les mandats visent 82 personnes dans la capitale turque et six autres villes, selon l'agence de presse étatique Anadolu.
Parmi les personnes recherchées, 20 ont été placées en garde à vue, a annoncé le parquet d'Ankara. Les autres suspects, à l'exception d'un d'entre eux recherché en Turquie, seraient à l'étranger ou auraient rejoint les miliciens séparatistes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), considéré comme "terroriste" par Ankara et ses alliés occidentaux.
Le maire de Kars (est), Ayhan Bilgen, ainsi que plusieurs ex-députés et dirigeants du HDP (Parti démocratique des peuples, prokurde) font partie des personnes arrêtées.
M. Bilgen avait été élu maire de cette ville en 2019 sous l'étiquette HDP, le deuxième plus grand parti d'opposition représenté au parlement.
Le parquet a aussi annoncé son intention de demander la levée de l'immunité parlementaire de sept élus du HDP, qui faisait partie du comité exécutif central du parti au moment des émeutes d'octobre 2014.
"Cette opération ne doit pas être considérée comme visant uniquement le HDP, mais aussi la politique démocratique et la détermination de lutter contre le fascisme", a réagi le coprésident de ce parti Mithat Sancar, au cours d'une conférence de presse à Ankara.
- "Neutraliser le HDP" -
Le HDP fait l'objet d'une répression implacable depuis plusieurs années. Selahattin Demirtas, sa figure de proue et un ancien rival du président turc Recep Tayyip Erdogan à l'élection présidentielle, est en prison depuis 2016.
Après des élections municipales en 2019, les autorités turques ont fait arrêter ou ont évincé plusieurs dizaines de maires élus sous les couleurs du HDP dans le sud-est de la Turquie.
Selon ce parti, le gouvernement a remplacé ses maires dans 47 des 65 villes qu'il avait remportées.
Le gouvernement affirme que le HDP est lié au PKK.
Le HDP rejette ces accusations et se dit persécuté en raison de son opposition farouche à M. Erdogan.
De violentes émeutes pour dénoncer le siège de Kobané par l'EI avaient fait plus de 30 morts en 2014 dans le sud-est de Turquie.
Les autorités turques accusent les dirigeants du HDP d'avoir organisé ces émeutes. Le HDP nie et accuse les forces de l'ordre d'avoir provoqué ces violences.
"Le HDP n'a pas déclenché ces protestations", a déclaré Mithat Sancar. "Au contraire, c'est le gouvernement qui en est responsable en ayant annoncé les attaques de l'EI contre Kobané comme une bonne nouvelle et en ayant préparé le terrain pour la violence".
Les manifestants avaient reproché à la Turquie de ne pas avoir fourni une aide militaire à Kobané prise en étau.
Les forces kurdes, soutenues par les frappes de la coalition conduite par les Etats-Unis, ont chassé l'EI de Kobané en janvier 2015, après plus de quatre mois d'intenses combats.
"Le gouvernement est déterminé à neutraliser et, si possible, achever le HDP", a estimé M. Sancar. "Mais c'est un effort vain. Aucun pouvoir ne peut détruire le HDP tant que le peuple nous soutient".
Quelque 200 personnes ont participé en début de soirée à une manifestation de soutien au HDP à Istanbul, selon des journalistes de l'AFP sur place. Déployée en force, la police n'est pas intervenue.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.