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Turquie: pendant le dialogue avec les Kurdes, la répression continue


Mardi 18 février 2025 à 09h55

Istanbul, 18 fév 2025 (AFP) — Le gouvernement turc accentue la pression sur les mouvements et sympathisants prokurdes accusés de "terrorisme" en même temps que se poursuit le dialogue, engagé à son initiative, avec le PKK en vue d'une trêve.

Près de trois cents "membres présumés d'organisations terroristes" ont été arrêtés au cours des cinq derniers jours a annoncé le ministre de l'Intérieur Ali Yerlikaya, visant nommément le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) dans son communiqué.

Ces arrestations, qui ont aussi ciblé trois journalistes, ont été effectuées dans une cinquantaine de provinces du pays dont celles d'Istanbul, Ankara et des régions à majorité kurde de l'Est du pays.

Plusieurs ont visé des responsables du parti prokurde DEM, troisième force au Parlement, directement impliqué dans le dialogue initié avec Abdullah Öcalan, fondateur et chef historique du PKK.

Détenu à l'isolement depuis 26 ans sur l'île prison d'Imrali, au large d'Istanbul, "Apo" (oncle, en kurde), âgé de 75 ans, pourrait appeler le PKK à déposer les armes après des décennies de guérilla, en échange de concessions démocratiques du pouvoir à l'égard de la minorité kurde.

Une délégation du DEM a été autorisée à rencontrer M. Öcalan à deux reprises. Elle se trouve depuis dimanche dans le nord de l'Irak, pour une série d'entretiens avec les autorités de la région autonome du Kurdistan dans le cadre de cette médiation.

- Sur les deux tableaux -

Mais le DEM est simultanément dans le viseur des autorités qui ont destitué ces derniers mois neuf de ses maires élus dans des régions à majorité kurde, remplacés par des administrateurs nommés par les autorités.

"Il est clair que la possibilité d'une solution et d'une paix commence à faire perdre le sommeil à certaines personnes", a estimé mardi le parti sur X: "Chaque jour des opérations sont menées contre ceux qui veulent une solution et la paix".

De son côté, le ministre de l'Intérieur s'est dit "déterminé à éradiquer toutes les formes de terrorisme".

Pour Sinan Ülgen, chercheur associé à la Fondation Carnegie Europe, en agissant ainsi, "l'objectif du gouvernement est d'avancer avec une position avantageuse - la négociation - tout en envoyant le message que, si ces négociations n'aboutissent pas, il est prêt à accentuer les pressions sur le DEM".

D'autant, rappelle Gönul Tol, du Middle East Institute à Washington, que le président Recep Tayyip Erdogan a laissé depuis le début son allié nationaliste du MHP Devlet Bahceli en première ligne dans cette initiative.

Pour elle le chef de l'Etat joue ainsi sur deux tableaux.

"D'un côté, il poursuit ces négociations avec le PKK, sans avoir vraiment adhéré à cette idée. De l'autre, il continue comme d'habitude avec les Kurdes, c'est-à-dire qu'il les cible, les emprisonne, les désigne et s'en prend aux édiles kurdes démocratiquement élus", explique-t-elle.

Après Erbil où elle a rencontré les autorités du Kurdistan autonome, dont le leader historique kurde d'Irak Massoud Barzani, la délégation du DEM poursuit mardi ses consultations.

Elle sera à Souleimaniyeh, deuxième grande ville du Kurdistan irakien, pour y rencontrer Bafel Talabani, président de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), l'autre formation historique des Kurdes en Irak.

La Turquie a déjà connu de précédents espoirs de paix. Mais la dernière trêve, en 2015, avait volé en éclats pour déboucher sur une explosion de violences, en particulier dans le sud-est du pays.

Selon une estimation communément admise, le conflit avec le PKK a causé au moins 40.000 morts depuis 1984.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.