Mardi 10 decembre 2024 à 21h42
Paris, 10 déc 2024 (AFP) — Une centaine de Français sont engagés dans des groupes islamistes radicaux qui ont renversé Bachar al-Assad en Syrie et vivent dans la poche d'Idleb depuis des années. En France, certains ont déjà été condamnés pour des "actes terroristes".
"Nous évaluons à une grosse centaine le nombre de ressortissants français" présents dans cette zone du nord-ouest syrien, a expliqué mardi au quotidien Le Figaro le procureur antiterroriste Olivier Christen.
Une trentaine sont affiliés au groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), fer de lance de l'offensive rebelle avec l'aide d'autres mouvements plus ou moins radicaux.
Une cinquantaine de Français appartiendraient par ailleurs à la brigade du franco-sénégalais Oumar Diaby, alias Omar Omsen, soupçonné d'avoir convaincu de nombreux Français de rejoindre la Syrie. Arrêté par HTS en août 2020, il a été libéré en février 2022 sans que les raisons de son arrestation ne soient communiquées.
"Nous ne savons pas exactement combien de ces combattants ont participé à l'assaut de Damas et dans quelle proportion", a précisé le procureur, relevant que certains d'entre eux passent parfois "d'un groupe à l'autre".
- "Morts qui réapparaissent vivants" -
La France reste encore sans nouvelle d'environ 300 ressortissants en Syrie.
"Sur les 1.500 Français qui sont partis faire le jihad dans les années 2000, on compte 390 revenants en France, 500 décédés, une grosse centaine dans la poche d'Idleb, environ 150 détenus ou retenus dans le nord-est syrien et en Irak, mais aussi 300 disparus", a précisé Olivier Christen.
Des chiffres imprécis, notamment parce que certains présumés morts réapparaissent parfois. Les combattants de l'actuelle rébellion sont en tous cas "ceux sur lesquels il y a la principale préoccupation aujourd'hui", a-t-il ajouté.
Les autorités françaises insistent régulièrement sur la crainte que d'ex-jihadistes regagnent le territoire pour y commettre des attentats.
"La menace à court terme pesant sur la France n'est pas relevée, mais nous suivons de près la situation en Syrie", a pour sa part déclaré mardi à l'AFP une source sécuritaire française.
Cela pourrait changer "en cas d'instabilité prolongée, de recomposition des forces locales en présence, ou de libération" de jihadistes français se trouvant dans les prisons du nord-est syrien tenues par les Kurdes, selon cette source qui n'a pas précisé leur nombre.
Quant aux jihadistes français dans les prisons du régime syrien, il y en a "moins d'une dizaine", a-t-elle estimé.
HTS s'appelait au départ Al-Nosra, branche d'Al-Qaïda en Syrie. Elle s'est séparée de celle-ci, a combattu le groupe Etat islamique (EI) et assure depuis des années avoir abandonné le jihad international, avec comme seule ambition de renverser Assad.
Son chef, Abou Mohammad al-Jolani, a nommé un chef de gouvernement transitoire, Mohammad al-Bachir. Débarrassé de ses habits religieux, Jolani a également repris son identité civile, Ahmed al-Chareh.
Mais son virage idéologique ne convainc pas les Occidentaux, certains analystes le comparant aux talibans d'Afghanistan, qui eux aussi avaient présenté un visage plus modéré jusqu'à leur prise de pouvoir à Kaboul en août 2021.
"Il peut exister des arguments légitimes sur le fait que leur séparation avec Al-Qaïda ait des éléments de sincérité," explique à l'AFP Hans-Jakob Schindler, du think tank Counter-Extremism Project (CEP). Mais "il n'y a absolument pas de débat" sur le fait qu'ils doivent rester sur les listes des organisations "terroristes" des pays occidentaux.
- "Stratégie clairement terroriste" -
"Sur le plan idéologique, HTS est attaché à la charia", note de son côté Jean-Charles Brisard, président du Centre d'analyse du terrorisme (CAT) à Paris. "Ils mettent en oeuvre des moyens, une stratégie, qui sont clairement terroristes, dans les offensives, dans les exécutions sommaires".
Certains profils français en Syrie, membres de HTS ou d'autres groupes, ont de fait un parcours violent.
Ancien délinquant devenu prêcheur notamment via internet, Oumar Diaby travaillait dans un snack hallal à Nice (sud-est de la France) avant de rejoindre le Levant en 2013, où il a pris la tête d'une brigade jihadiste composée de jeunes Français, pour la plupart originaires de la même région.
Auteur de vidéos de propagande, il s'est auto-proclamé imam. En 2016, les Etats-Unis l'ont qualifié de "terroriste international" et il fait l'objet d'un mandat d'arrêt de la justice française.
Donné pour mort, il est réapparu dans un tournage sur France 2 en 2016, approuvant l'attaque contre le journal satirique Charlie Hebdo en janvier 2015 à Paris. "Il fallait faire ce que les frères Kouachi ont fait. J'aurais voulu être choisi pour faire cela", clamait-il.
Selon Jean-Charles Brisard figure aussi parmi ces Français Moustapha Mraoui, condamné en 2016 in abstentia à dix ans d'emprisonnement pour avoir organisé l'une des premières filières de départ en Syrie depuis Villiers-sur-Marne, près de Paris.
"Il a ensuite rejoint HTS et est devenu un juge connu pour ses jugements extrêmement sévères. C'est l'un des cadres français les plus élevés au sein du groupe", a-t-il expliqué.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.