Stade de Bursa
Photo prise par Suleyman ARAT
Lemonde.fr | Guillaume Perrier (Istanbul, correspondance)
Quatre jours après la signature à Zurich d'un accord historique entre la Turquie et l'Arménie, le match de football prévu mercredi 14 octobre à Bursa, en Turquie, pouvait difficilement passer pour un événement sportif. Les deux pays, poussés par les Etats-Unis et la Russie, sont parvenus à s'entendre, le 10 octobre, pour instaurer des liens diplomatiques et rouvrir la frontière commune, fermée depuis 1993, deux mois après la ratification du protocole par les parlements.
Sans enjeu sportif, les deux équipes étant éliminées des qualifications pour la Coupe du monde 2010, le match était donc un premier test de la solidité du processus de réconciliation. Le président arménien,Serge Sarkissian, devait prendre place dans la tribune officielle du stade Atatürk, aux côtés de son homologue Abdullah Gül. Comme au match aller, en septembre 2008, à Erevan, où le président turc avait fait le voyage, lançant ainsi la "diplomatie du football" avec l'Arménie.
Avant le match, le premier ministre Recep Tayyip Erdogan a invité les supporteurs à laisser la politique sur la touche. "Le président arménien et l'équipe arménienne vont voir ce que c'est que l'hospitalité turque", a-t-il déclaré. Les autorités cherchent avant tout à éviter les incidents. Depuis la veille, trois mille policiers quadrillaient la ville. Les billets du match avaient été distribués aux groupes de supporteurs, placés sous étroite surveillance. Dans le stade de 20 000 places, ni banderoles ni slogans nationalistes ne seraient tolérés, avaient averti les autorités. En septembre, un match entre Bursa et Diyarbakir, la grande ville kurde de l'Est, avait été marqué par des violences et des insultes racistes lancées des tribunes. "Cette fois, il n'y aura pas de manifestation ou de message particulier", assurait Mehmet Güzelsöz, le président des "Texas", les supporteurs les plus fervents de la ville.
Pour éviter les provocations, le gouverneur de Bursa avait même envisagé de bannir du stade tous les drapeaux autres que turcs et arméniens. Des groupes nationalistes azéris et un syndicat de fonctionnaires avaient lancé un appel à brandir des drapeaux de l'Azerbaïdjan, en conflit avec l'Arménie pour le contrôle de la province du Haut-Karabakh. Finalement, ces étendards ont été autorisés. Pour faire passer un message, selon Handan Ton, présidente de l'association culturelle azérie : "La frontière ne doit pas ouvrir avant la libération des terres occupées du Haut-Karabakh."
Mais le choix de Bursa pour accueillir l'Arménie ne peut que poser question. Initialement, c'est à Kayseri, la ville du président Gül, que le match devait se dérouler. De plus, Bursa abritait autrefois une importante communauté arménienne : 82 000 personnes au début du XXe siècle. Une présence effacée par le génocide de 1915.